Des communes aux métropoles : le « millefeuille » administratif français.

Avant les municipales, nous dénonçons l’onéreux empilement territorial. En dix ans le nombre de fonctionnaires territoriaux est passé à 1,2 million (+ 500 000). Pour l’Etat ce fut un faible recul (-200 000). Cela coute selon les estimations entre 1 et 2 % du PIB (20 à 40 milliards €). Ce système n’est pas forcément efficace pour le développement économique. Faudra-t-il regrouper des niveaux en consacrant les métropoles ? Nous reprendrons l’argumentation à l’UPT, d’A. Peyro, ancien directeur d’AGATE.

Origine du millefeuille français

L’Etat jacobin dans un mouvement contraire, a fragmenté le territoire puis regroupé des compétences dans de nouvelles structures, sans supprimer les anciennes.

La Révolution créa les départements et les communes issues des paroisses de l’Ancien Régime Les communes furent petites et nombreuses (la moitié de toutes les communes d’Europe). Nos départements, conçus pour être à une journée de cheval du chef lieu, sont petits à côtés du Länder ou de la Comunidad.

De 1955 (Pfimlin) à 82 (Defferre), l’Etat organise les régions. Il veut de grands projets et  assure la cohérence par la DATAR (délégation à l’aménagement du territoire). Jusqu’à la loi de décentralisation, l’échelon local a peu d’autonomie. Relayé par les préfets, c’est l’Etat qui impulse. Les années 90 voient la création des communautés de communes puis des agglomérations (+ de 50 000 hab). Pour le développement durable, les lois Pasqua puis Voynet rajoutent les « pays ».

Enfin, face à la compétition mondiale où 44 mégalopoles, trusteront les investissements étrangers dès 2020, l’Etat fonde en 2010 les métropoles (+ de 400 000 hab).

 

Pépinières d’entreprises et plateformes technologiques

Que fait la commune pour les entreprises ou les jeunes pousses (voir schéma)?

Les collectivités agissent via la « clause de compétence générale » (la récente loi « MAPAM »la réaffirme). Une collectivité peut intervenir hors de son domaine propre, si son intérêt est en jeu.  Comme elle ne fournit pas d’aide financière directe, elle passe des conventions avec la région et puis aide «indirectement» en cohérence avec le Schéma Régional de Développement Economique. On a l’exemple des pépinières d’entreprise (six dans le Tarn) souvent initiées par des collectivités locales et les chambres consulaires qui offrent de  nombreux services : zone industrielle aménagée, service partagés (fibre optique, etc.), suivi du créateur. Notons aussi, les plateformes technologiques propices à l’innovation (CRITT d’Albi).

 Cygne noir : l’efficacité aléatoire des pouvoirs publics

Chaque commune veut sa zone d’activité. Faut-il enfermer les territoires dans leurs spécialisations? L’action des collectivités est-elle efficace ? Certaines idées reçues conduisent à des erreurs stratégiques. Les cygnes noirs existent malgré leur faible probabilité génétique. Pour l’économiste N. Taleb (il a prévu le krach de 2008) malgré toutes les prédictions, les développements économiques sont souvent liés au hasard et il faut surtout susciter l’entreprenariat. Qui pouvait augurer de la réussite de Fabre ou de «ma petite mercerie » au départ ? Le Tarn regorge de réussites atypiques. Autre erreur : privilégier un « développement exogène ». Attirer des investisseurs étrangers est coûteux et aléatoire (peu de projets et des territoires en concurrence). Il faut préférer le « développement endogène », conforter l’existant ou aider le créateur local. Safra a réussi en diversifiant son métier originel (carrossage d’autobus) et  a bénéficié d’aides judicieuses pour son implantation sur la zone industrielle de Fonlabour. Parmi les atouts d’un lieu, l’infrastructure est importante (les routes et internet notamment). Cependant, la qualité de vie, le dynamisme du commerce et du logement le sont autant (80 % la richesse d’un territoire vient de l’économie résidentielle). Suivent main d’œuvre et formation. Au final un soutien discret et le souffle de l’esprit d’entreprendre sont souvent préférables.

 Trois scénarios pour l’avenir

Avec la consécration des métropoles, il faudra assurer la cohérence du millefeuille et corriger les inégalités entre les territoires. A. Peyro imagine trois scénarii.

Scénario 1 « La métropole s’allie avec les agglomérations et le département disparait.»

Scénario 2 « Organisation à la carte (fusion ou pas avec le département comme à Paris ou à Lyon) sur la base du volontarisme avec suppression de la clause de compétence générale (sauf pour région et agglomération) ».
Scénario 3 : « Pour l’équilibre territorial, faire du département la collectivité de coordination de proximité en liaison avec une région à l’autorité renforcée. »

Ce scénario a notre préférence. Est-il utile de créer, avec les métropoles, un niveau supplémentaire (nouveaux conflits/doublons) et polariser ainsi l’économie en condamnant les territoires éloignés ?

 

Christian BRANTHOMME, Loïc STEFFAN

schéma-developpement éco