Lecture critique d’un propos de l’IFRAP

Comme à chaque présidentielle l’IFRAP sort du bois dans le JDD et sa présidente vient vendre aux médias qui veulent bien l’entendre son discours libéral. Avec une intelligence manipulatoire certaine elle déroule un argumentaire qui semble frappé au coin du bon sens et qui n’a pas un grand intérêt parce qu’il est totalement caricatural. Certains font du « name dropping » pour tenter d’impressionner, elle pratique le « statistic dropping ».

Au lieu d’aligner les noms, elle aligne les chiffres sans les expliquer jusqu’à vous perdre et vous emmener dans son raisonnement mais comme je le vois ressurgir régulièrement il m’a semblé intéressant de faire œuvre de pédagogie en reprenant une à une les différentes affirmations du texte. C’est d’autant plus intéressant que cela permet d’indiquer où l’on peut chercher de l’information parce que presque toutes les grandeurs économiques du pays y passent. Ça permet, à la fois, d’acculturer à l’économie et de relever les insuffisances. En effet, il faut avoir une bonne culture économique pour voir ce qui pose problème dans le propos et ce qui est juste.

Autre précision utile je pense, nous allons avoir des problèmes de création de richesse et de répartition des efforts entre ceux qui financent (les entreprises ne font pas que payer car elles bénéficient des infrastructures et du pouvoir d’achat distribué) et ceux qui reçoivent des subsides. En effet, les contraintes de ressources et de climats vont peser très lourd. Vous trouverez à la fin de l’article le PDF du propos initial de L’IFRAP dans le JDD. Voici maintenant les points saillants de l’article que je reprends un à un pour expliciter mes points de vue. On voit clairement le côté hyper partisan du propos. 

483 taxes

La première affirmation est un décompte de 483 taxes qui « jour après jour, s’abattent sur les entreprises et les citoyens ». C’est vrai, mais il y a aussi 471 niches fiscales dont elle ne parle jamais et qui représentent un coût cumulé de 90 Mds pour les finances publiques.

Disons le tout de suite, je trouve qu’il y a trop de taxes et de niches en France ce qui rend notre politique fiscale illisible pour les citoyens. Ca affaibli le consentement à l’impôt. Seuls, les bons connaisseurs comprennent la logique sous-jacente et la France n’est pas tant que ça un enfer fiscal. On retrouve cette prolifération dans la plupart des grands pays de l’OCDE. le chiffre à lui seul ne veut rien dire. Pour autant, on peut discuter du niveau de prélèvement mais ca relève de la fin de l’article.

Des rapports parlementaires ont évalué le nombre de taxes entre 500 et 1000.
https://www.senat.fr/questions/base/2015/qSEQ151018304.html#:~:text=Il%20y%20aurait%20actuellement%20en%20France%20plus%20de%201%20000%20taxes%20diff%C3%A9rentes.
Ces dernières années, le plus gros créateur d’impôts a été Nicolas Sarkozy avec 19 taxes nouvelles en 2010 et la moyenne tourne autour de 6 à 7 nouvelles taxes par an actuellement.

Lorsqu’on s’intéresse à la fiscalité et que l’on va voir en détail on trouve des petits impôts parfois incongrus: la « taxe ski de fond », servant à financer les sports nordiques; la « taxe pylônes », versée aux communes défigurées par des installations électriques; ou bien la taxe sur les crustacés, versée à l’Office national interprofessionnel des produits de la mer. Ces faibles taxes permettent de cibler précisément un comportement.

Ici un point économique est nécessaire. Ce nombre d’impôts positifs et négatifs (niches) est très important car il y a un nombre très élevé de comportements économiques qui relèvent de ce que les économistes appellent les biens tutélaires (logement, santé, etc). C’est un concept économique proposé par l’économiste allemand Richard Musgrave pour désigner un bien sur la consommation duquel l’État exerce une « tutelle », c’est-à-dire qu’il intervient pour encourager ou décourager le public de le consommer. On peut citer l’éducation ou la vaccination qui seront encouragés ou l’alcool ou le tabac qui seront freinés au maximum. Dès lors on comprend la multitude à la fois de niches fiscales et de taxes au grés de préoccupation du moment. Pour régulé un comportement l’Etat possède 4 grands outils. La taxation que nous venons d’évoquer et qui permet de dire des valeurs, modifier des comportements, corriger les inégalités, protéger les frontières et avoir une efficacité économique. Ils doivent être peu onéreux à collecter et si possible rapporter de l’argent sans être des usines à gaz. Ensuite, l’Etat peut jouer sur l’interdiction ou la réglementation et par tout un arsenal juridique . Par ailleurs, l’Etat peut améliorer la coordination des acteurs et la transparence de l’information pour obtenir une meilleure allocation des choix. Enfin l’Etat dispose des nudges. Face à l’instinct grégaire, il pourra jouer sur la désirabilité et les normes sociales, pour éviter la procrastinations, il pourra accélérer le où, quand comment, avec des incitations ou des pénalités (on revient à nos taxes). Il pourra aussi éviter les mauvais calculs en rendant visible les coûts ou jouer sur la peur de perdre ou de manquer en montrant ou en cachant les pertes. Face à la paresse, on pourra actionner des choix ou des réglages par défauts. Par exemple, mettre par défaut la taxe télévisuelle augmente les redevances perçues.

Macron n’a pas libéré les énergies, il est bon dernier de la classe.
Tarte à la crème. Globalement en France on crée un micro-entreprise en 3 clics. Il y a eu 1 million de création d’entreprise l’an dernier. La Banque Mondiale a récemment publié des chiffres prouvant bel et bien le contraire car il ne suffirait que de trois jours et demi en France pour monter son entreprise en 2018. C’est quatre jours et demi au Royaume-Uni, 5,6 aux Etats-Unis, six en Italie, huit en Allemagne et même deux semaines en Espagne. Seule la Nouvelle-Zélande paraît largement plus dynamique avec une demi-journée nécessaire pour créer une entreprise.

https://donnees.banquemondiale.org/indicateur/ic.reg.durs

La dette a explosé.

Là dessus je suis d’accord. A terme cela pourrait être préoccupant. Cependant sa démonstration chiffrée est très partisane. Elle pointe Emmanuel Macron et François Hollande mais elle oublie opportunément Nicolas Sarkozy qui est le champion toute catégorie d’augmentation de la dette publique que cela soit en valeur absolue mais aussi en pourcentage du PIB qui est le décompte le plus important. Voici un tableau avec les données de l’OCDE. Je ne me rappelle pas qu’elle ait un jour critiqué Nicolas Sarkozy.

Les gouvernements laissent filer l’inflation
En fait les projections de la BCE et même du FMI ou de la Banque Mondiale ne sont pas alarmantes. L’inflation devrait décélérer en fin d’année. Sur ces questions, il y a souvent un problème de cercle vicieux mais pour l’instant la situation semble encore sous contrôle même si la FED et la BCE commencent à s’activer
https://www.francetvinfo.fr/economie/inflation/l-inflation-va-se-stabiliser-en-2022-et-baisser-graduellement-au-cours-de-l-annee-assure-christine-lagarde_4923475.html

En plus, question inflation, Agnès Verdié-Molinier semble avoir la mémoire courte comme le montre le site de l’INSEE. Nous sommes historiquement sur des taux d’inflation bas.

Verdié-Molinier enchaîne ensuite sur la dette et les taux d’intérêt.

Nous remboursons 39 Mds € d’intérêts et nous empruntons 300 à 400 Mds par an.

Madame Verdié-Molinier affirme que nous remboursons 39 Mds d’intérêt (c’est vrai) et que nous devons emprunter 300 à 400 milliards sur les marchés par an (c’est vrai). On peut vérifier ces chiffres sur le budget ou aller sur le site de la Banque de France pour regarder le niveau des OAT à 10 ans.
https://www.banque-france.fr/statistiques/taux-et-cours/taux-indicatifs-des-bons-du-tresor-et-oat
Ensuite, elle ajoute que si les taux remontent à 4 % nous devrons rembourser 80 Mds. Là c’est faux et surprenant. Voici un graphique qui montre les taux d’emprunt des principaux pays ces dernières années. Un deuxième graphique donne les projections pour les deux années à venir. Le 4 % donne franchement l’impression d’être manipulatoire. Il l’est d’ailleurs. Il sert à faire peur. voici les graphiques de l’OCDE qui montrent la réalité des taux (graph1) et la projection des taux pour 2022 et 2023  (graph2). Pour les taux, on compte en point de base et cela désigne un centième de pourcent c’est-à-dire 0,01 %. Aller à 4% représente une hausse vertigineuse qui n’aura pas lieu. Au moins dans l’immédiat.

Vous m’expliquez comment on peut avoir un taux à 4 % ?

Le déficit commercial de la France.

Il s’est effectivement fortement dégradé. Elle a raison de pointer cette faiblesse car cela peut devenir préoccupant à terme. Cependant le montant brut tel que donné, n’a pas grand intérêt. Il faut le comparer à la taille de l’économie de chaque pays et au volume des importations et exportations. Notre déficit représente 2,5 à 3,5 % de noter économie selon les années. En économie, on calcule le taux de couverture (exportations/importations). Historiquement ça permettait de calculer l’entrée et la sortie de devises. Aujourd’hui avec l’euro, le calcul se fait plus au niveau de la zone. Notre taux de couverture reste au dessus de 90 %. Mais la situation est inquiétante. La période Covid est spécifique car elle ralentie le tourisme et nous avons du importer des vaccins, du matériel médical et de l’énergie.

LE PIB par habitant

Il y a ensuite le PIB par habitant. La France serait passée de la 11e place dans les années 80 à la 23e place. Je ne sais pas comment elle peut l’affirmer. Je suis donc allé sur le site de la Banque Mondiale pour vérifier. Il suffit d’importer les données sur Excel et de faire un tri sur l’année voulue. En 1980, la France était à la 16e place et est passée à la 36e. En regardant de plus près, à l’évidence dans les années 80, il y avait des Etats qui profitaient de la rente pétrolière et quelques autres qui se positionnaient comme «Paradis fiscaux ».

En 2019, dernière année complète, on voit que les pays qui sont passés devant, ont pour une bonne partie pratiqué le duping fiscal. D’autres ont réussi à être plus compétitifs. Mais la France reste au dessus du PIB des pays du l’OCDE. On ne peut constater sur ces données la chute vertigineuse que laisse entrevoir le propos. La richesse par habitant a plus que triplé en $ US courants.

90 % des entreprises n’emploient que leur créateur

La directrice de l’IFRAP a raison. Il faut se méfier du 1 million de création proposé par Bruno Le Maire. Il est peu significatif. Il indique cependant que la création d’entreprise est très facile en France. Nous l’avons déjà dit.

Le halo du chômage est important en France et l’Allemagne fait mieux.

Sur le premier point les statistiques confirment le propos. Pour se renseigner on peut aller sur le site de la DARES ou celui de l’INSEE.
https://dares.travail-emploi.gouv.fr/
En France les statistiques dans les médias portent essentiellement sur les chômeurs de catégorie A alors que le halo du chômage est plus important. Sur la dernière période les deux chômages baissent. Autant par la création d’emploi que par la plus faible augmentation de la population active.


Par contre la deuxième affirmation sur l’Allemagne est fausse. On distingue deux catégories de chômeurs en Allemagne : d’une part, les bénéficiaires de l’Arbeitslosengeld I (AG I), et, d’autre part, les bénéficiaires de l’Arbeitslosengeld II (AG II), en fin de droit pour l’AG I ou percevant les minima sociaux. Début 2019, les 2,33 millions de chômeurs officiels englobent les 793 000 bénéficiaires de l’AG I mais seulement une partie des 4 millions de bénéficiaires de l’AG II, qui se rapprochent des critères du BIT. Si on additionne les catégories de chômeurs en capacité de travailler, on arrive à presque 5 millions chez nos amis allemands parmi lesquels un grand nombre de chômeurs partiels ou de précaires bénéficiant du minimum vital. La population active étant de 45 millions en Allemagne, on atteint donc un chômage de 11 % là où nous sommes à 12%. Il est totalement trompeur de comparer de la sorte.  

42 % d’une cohorte touche le RSA 7 ans plus tard.

C’est vrai. On peut trouver le rapport en suivant ce lien : https://www.ccomptes.fr/fr/documents/58385

Mais en lisant le rapport, on apprend que 30 % des gens qui pourraient le percevoir ne le touchent pas et que le RSA protège de la très grande pauvreté (mais pas de la pauvreté). De ce fait, les pauvres passent plus de temps à survivre qu’à essayer de s’en sortir et que compte tenu du public concerné, il n’y a pas assez d’accompagnement. Voici les conclusions du rapport.

« Au terme des travaux effectués par les juridictions financières, les résultats du RSA apparaissent contrastés . Deux succès importants peuvent être mis à son actif : la protection des allocataires contre la grande pauvreté et la suppression des trappes à inactivité . Trois faiblesses majeures sont en revanche relevées : une atteinte insuffisante du public cible, qui laisse subsister des situations de précarité et d’exclusion ; une faiblesse de l’accompagnement et de la contractualisation, qui obère les perspectives d’insertion et prend à défaut la logique des droits et devoirs voulue par le législateur ; et, in fine, un accès difficile à l’emploi, qui compromet la promesse centrale du dispositif de faire des revenus du travail le principal rempart contre la pauvreté ».

Contrairement à ce que laisse entendre Verdié-Molinier, il n’y a pas de trappe à inactivité (c’est dans la conclusion) qui en économie désigne les désincitations que connaît une personne sans emploi à en trouver un, notamment en raison de la perte du revenus d’assistance qui résulterait de l’obtention d’un emploi.

Il manquerait 7 milliards d’heures de travail en France

C’est très discutable. On peut même dire faux.  Déjà il faut comprendre le calcul. Elle obtient ce total en multipliant la population active Française occupée par 290 heures de travail ce qui reprsente la différence entre le temps de travail en France et celui observé par l’ensemble des pays de l’OCDE (1690 – 1400). Elle pourrait donc écrire qu’il manque 15 milliards d’heures en Allemagne puis que le temps de travail est plus faible (1690-1330 * 43 millions). (voir graphique)

Pour la productivité prenons le temps d’aller voir en détail. Patrick Artus vient de faire une note pour Natixis Research. Que peut-on faire de la hausse de la productivité horaire du travail ? Il y a trois utilisations possibles d’une hausse de la productivité horaire du travail :

– augmenter le salaire horaire réel par tête. Il y a alors hausse de la production (puisque le nombre d’heures travaillées augmente), mais pas des profits (puisque les gains de productivité sont donnés aux salariés) ;
– ne pas modifier le salaire horaire réel, mais baisser les heures travaillées. Il n’y a alors pas de hausse de la production, mais il y a hausse des profits puisque les salaires réels ne suivent pas la productivité ;
–  ne modifier ni le salaire horaire réel ni les heures travaillées. Il y a alors hausse de la production et des profits, les gains de productivité allant aux entreprises.

Aux États-Unis et au Japon les gains de productivité horaire ont servi à accroître le PIB et les profits  alors que dans tous les autres pays, qu’ils ont servi à accroître le salaire réel et à réduire la durée du travail. C’est donc un choix de société. Compte tenu du financement de l’IFRAP on pourra comprendre qu’elle préfère la solution japonaise ou américaine. Mais c’est d’abord un choix de société collectif.

Graphiques pour la France

Nos entreprises paient 140 Mds de plus d’impôts, taxes et cotisations que leurs homologues de l’OCDE.

C’est assez discutable. D’une part, l’IFRAP intègre les 20 Mds du CICE (7 Mds en 2021) qui sont rendus aux entreprises. Ensuite le différentiel est en baisse.  D’autres part les salaires versés doivent tenir compte de la protection sociale octroyée. Sinon vous devez souscrire une couverture personnelle.
Elle est déjà intégrée en France. Enfin une comparaison internationale (voir le graphique) montre que le problème résulte plus du choix de production et de l’insertion dans la DIPP des entreprises françaises que du montant des charges.

Le coin fiscal est plus lourd en Allemagne. Voir graphique.

En sus, on peut voir que les sommes touchées grâce à l’impôt sur les sociétés est assez bas en France. https://www.oecd.org/fr/fiscalite/beps/base-de-donnees-statistiques-de-l-impot-sur-les-societes.htm

Et noter que les impôts de production sont élevés en France. La Conseil d’Analyse Économique qui produit des expertise pour le compte de l’Etat a produit une note et un focus sur cette question. https://www.cae-eco.fr/staticfiles/pdf/cae-focus042.pdf

Il préconise essentiellement de réduire ou de supprimer la C3S qui est l’impôt le plus nocif. Cependant, il faut noter que ces impôts sont en forte baisse. On est passé de 70 Mds à environ 10 Mds en quelques années et ces impôts financent en grande partie les collectivités territoriales qui devront trouver d’autres sources de revenu.

De fait, il faut faire attention à ne pas dépouiller les collectivités territoriales. Pour financer ces investissements publics, qui font l’attractivité de la France selon le tableau de bord 2019 de Business France en collaboration avec Direction générale du Trésor, il faut bien lever des impôts… dit de production pour créer les infrastructures d’accueil des entreprises.


 Les prélèvements obligatoires sont élevés en France
C’est vrai. Il y a une tendance à ne plus les augmenter contrairement à l’image souvent véhiculée. On peut aller chercher de l’information complémentaire sur le site du Conseil des Prélèvements Obligatoires qui est une institution rattachée à la cours des comptes. Eux-aussi préconisent des baisses. Mais cette baisse nécessite de donner lieu à des chiffrages précis sinon on ne connaît pas les gagnants et les perdants.

https://www.ccomptes.fr/fr/institutions-associees/conseil-des-prelevements-obligatoires-cpo

Si l’on baissait de 80 à 100 Mds la dépense publique et de 60 Mds les impôts, on créerait deux millions d’emplois ?

Très peu probable. Ca rappelle le pin’s 1 million d’emploi du MEDEF qui était fabriqué en République Tchèque et qui n’était qu’un leurre. Et il y eu peu d’emplois créés. Mais pour ça il fallut supprimer des jours fériés et assouplir le SMIC et les 35 h. Idem la TVA réduite dans l’hôtellerie-restauration qui créa peu d’emplois avec un coût de 160 à 200 000 € par emploi. Tout comme, le CICE qui n’a quasiment pas créé d’emploi et qui a coûté très cher aux finances publiques « Il n’y a pas d’effet attribuable au CICE en 2013 et 2014 sur les exportations, les investissements ni l’emploi. » dit un rapport d’un laboratoire de recherche de Science Po Paris. https://www.sciencespo.fr/liepp/fr/content/quel-impact-du-cice En France, il n’y a pas assez d’évaluation des politiques menées (pour ça il faut financer de la recherche économique indépendante) donc souvent un empilement des mesures.

En repoussant l’âge de départ à la retraite à 67 ans on économiserait 20 Mds par an.

Cela paraît bien improbable. Déjà, je voudrais rappeler que l’espérance de vie des plus modestes à la retraite n’est pas très élevée. Chez les hommes, 13 ans d’écart d’espérance de vie, entre les plus aisés et les plus modestes. Ensuite, l’espérance de vie stagne.
https://www.insee.fr/fr/statistiques/3319895#:~:text=Plus%20on%20est%20ais%C3%A9%2C%20plus,plus%20ais%C3%A9es%20des%20plus%20pauvres.



Sur certains métiers pénibles, je ne vois pas comment raisonnablement les personnes devraient travailler jusqu’à 67 ans. Ensuite l’économie de 20 Mds est improbable, sauf de façon cynique à considérer que l’épuisement au travail ferait mourir les gens plus tôt ou que les postes de travail seraient adaptés à ces cohortes.


Une étude du conseil d’orientation des retraites considère que l’augmentation de l’âge du départ à la retraite à 64 ans conduirait à 5 Mds de dépense supplémentaire en RSA, AHA, et allocation dépendance, ainsi qu’en frais d’assurance maladie. https://www.cor-retraites.fr/node/583

En fait un départ plus tardif permettrait certes d’économiser mais probablement moitié moins qu’annoncé. Les experts exhortent le gouvernement à être prudent sur le sujet. https://www.lemonde.fr/politique/article/2021/07/16/age-de-depart-a-la-retraite-l-appel-a-la-prudence-des-experts_6088441_823448.html

L’allocation sociale unique permetrait d’économiser 5 Mds.

J’aimerai bien voir le calcul parce que le RSA est très très en dessous de ce montant. Je suis très dubitatif. C’est un vieux serpent de mer des libéraux. C’est vrai que le système est un peu fou et qu’il y a de quoi s’y perdre.  Edouard Philippe avait confié, en juillet 2017, à France Stratégie une évaluation de regroupement des 10 minima sociaux. L’ASU remplace, en les fusionnant, plusieurs prestations : le revenu de solidarité active (RSA), l’allocation de solidarité spécifique (ASS), la prime d’activité, les aides au logement (AL), l’allocation adulte handicapé (AHH), l’allocation de solidarité pour les personnes âgées (ASPA, ex-minimum vieillesse) et l’allocation supplémentaire d’invalidité (ASI). En fait sur les 7 millions de ménages concernés 3,55 millions de ménages toucheraient moins qu’avant avec un versement unique, et 3,3 millions gagneraient davantage. L’IFRAP fidèle à son habitude propose des chiffrages  opaques et farfelus pour pousser la mesure.

Une réforme de l’allocation chômeur pour inciter à chercher tout de suite du travail économiserait 4 Mds
C’est une vision erronée de la réalité du marché du travail. Comme si les chômeurs se comportaient constamment comme des passagers clandestins et essayaient de rester le plus longtemps possible au chômage. C’est assez marginal. Il existe toute une littérature économique basée sur la théorie de l’agence (theorie qui essaie de voir comment une personne nommée le principal obtient d’une autre appelée l’agent un comportement favorable) qui montre que le rôle du principal (l’Etat et Pole Emploi) est de vérifier que l’agent (le chômeur) recherche effectivement du travail. Il faut donc étudier les diverses statégie. Il en existe trois. La dégressivité, l’accompagnement formation et la sanction. Si la dégressivité peut avoir une forme d’incitation, les facteurs décisifs accélérant la reprise d’emploi ne sont pas les montants ou durées d’indemnisation. Ce sont plutôt le volume des offres d’emploi rapporté au nombre de chômeurs et les situations économiques des territoires locaux où les chômeurs recherchent un emploi. En fait réduire les indemnités, c’est une dégradation de la première mission (indemniser) sans gain sur la seconde (l’accès à l’emploi). une partie de la littérature soutient même que les indemnités doivent être progressives car les chômeurs de longue durée sont les plus fragiles et ceux qui doivent être le plus soutenu pour ne pas sombrer.


L’amélioration récente du marché de l’emploi est plus encourageant que cette supposée réforme. En plus, les sommes économisées sont dérisoire par rapport à l’ampleur du déficit (19 Mds) et au montant de la dette cumulée de l’UNEDIC (60 Mds). C’est vraiment une refonte complète du régime et de son financement qu’il faut envisager. Comme je suis honnête, voici un débat contradictoire entre deux chercheurs sur le sujet. Je penche plus vers Didier Demazière. https://www.sciencespo.fr/cso/fr/actualites/points-de-vue-croises-lassurance-chomage.html

Le dernier point gênant

Une autre impression désagréable ressort de la lecture. On confond les impôts directs et indirects, les impôts locaux et nationaux. On feint de croire qu’un euro est indifférent selon qu’il représente une protection sociale, ou une fonction régalienne de l’Etat.

Non la France, n’est pas le pays qui dépense le plus, taxe le plus et travaille le moins. C’est par contre un des pays qui socialise le plus son fonctionnement. Mais ce n’est pas forcément un enfer fiscal. Il faut nécessairement chercher à être plus efficace c’est-à-dire efficace au moindre coût mais cette charge est absolument caricaturale.

Le fameux article du JDD qui propose de relayer sans recul le travail de l’IFRAP.