Adaptation : Houston on a un problème

On résume les problèmes (un problème c’est fait pour être résolu comme en math) auxquels on doit faire face collectivement :
– on a un problème de décrochage des classes populaires. Crise des gilets jaunes et on sait que le ruissellement n’opère pas.
– on a un problème d’inégalités et de pauvreté (10 millions de pauvres au seuil de 60 %) même si la redistribution en France corrige un peu le tir.
– on a un problème de chômage massif et de problème d’insertion dans le marché de l’emploi de pleins de catégories sociales. Notamment les jeunes.
– on a un problème de croissance car elle va rester faible (mondialisation moins favorable, démographie aussi, performance éducative qui plafonne, pas de révolution industrielle ou technologique, gains d’efficacité plus faibles, contraintes écologiques et de ressources, etc). De toute façon si on n’arrive pas à décarboner on se demande si elle est souhaitable à long terme compte tenu de ce que disent les spécialistes du climat. La question est de savoir si on aura une décroissance subie ou à minima choisie et pilotée pour éviter le pire.
– On a aussi un problème d’entrepeneurs qui doivent trouver des réponses à ces problèmes et qui créent de la valeur. On a parfois trop une mentalité de fonctionnaire ou de gens qui attendent beaucoup de l’Etat. Or même pour l’Economie Sociale et Solidaire, les circuits alternatifs et courts il faut des qualités de gestionnaire. On le voit dans les démarches en perma ou autres qui réussissent.
– on a un problème de climat (plutôt grave) et les préconisations de la convention climat (3 jokers en théorie) ne sont pas reprises sans filtre comme promis ce qui pour moi une erreur (ou alors il ne fallait pas le promettre). Ca pose le problème de la légitimité de la parole publique donnée.
– on a un problème d’intégration (ou de séparatisme au choix) parce que le projet républicain n’a pas forcément tenu ses promesses. Comme toujours dans ce cas là, le repli identitaire est tentant et il existe. On a aussi eu un immigration importante qu’il faut arrive à gérer. Ce séparatisme pose aussi le problème des attentats dans certains cas. On a aussi un vrai problème pour comprendre ou retrouver l’esprit de la laïcité sur laquelle un paquet de personnes ne sont pas d’accord. En plus il y à cause de tout ça, le constat d’un racisme latent dans la société qui se développe avec les crises.
– on a un problème vis-à-vis de notre système de santé (et de son financement) et la crise de l’hôpital est exacerbée par la crise Covid. Mais franchement pour l’instant ça tient et c’est plutôt cool.
– on a un problème de choix énergétique et le retard de l’entretien du parc à cause du confinement montre notre dépendance au nucléaire qui a l’avantage d’être décarboné mais qui pose d’autres problèmes. En tout état de cause, on ne règlera pas le problème uniquement avec les énergies renouvelables. Il faudra probablement en utiliser moins.
– on a un problème de violence dans la société, de maintien de l’ordre et de légitimité de la police alors qu’elle devrait être cruciale dans cette période. C’est le maintien de l’ordre qui permet la stabilité de la société et ils doivent redevenir des gardiens de la paix. Or on demande à la police tout et n’importe quoi avec une formation et des moyens matériels et humains insuffisants. Forcément ça grince.
– on a un problème de création de richesse et d’emploi et par la même de financement de la solidarité nationale. Avec la fiscalité actuelle on a besoin de croissance. Si on pense que le climat est important et parce qu’on ne sait pas découpler, il faut donc revoir notre fiscalité parce que la croissance ne suffira pas pour avoir des moyens supplémentaires.
– on a un problème avec les moyens de la justice et la réponse pénale parce que notre budget est dans les choux (la France est 24e sur 28 en Europe)
– on a un problème de logement en France avec ( 4 millions de personnes mal logées) et 12,1 millions de personnes fragilisées par rapport au logement. 14 millions au total si on enlève les doubles comptes (soit plus de 20 % de la population. Un français sur 5).
– Toujours sur le logement, on a un problème d’isolation des bâtiments et d’efficacité énergétique.
– On ne veut plus consommer de terre arables (c’est inscrit dans les Plui) mais en figeant la situation on dégrade la situation des plus pauvres. Avec le desserrement familial il faut plus de logement pour la même population. Si on ne construit pas on empêche la résorption du problème et on favorise les plus riches qui sont déjà propriétaires et face à la pénurie dans certaines localités les loyers peuvent s’envoler. Le logement pèse lourd dans le budget des ménages. La production de HLM (PLS, PLUS, PLAI, PLI) est insuffisante même si ça s’améliore un peu (200 000 logements produits).
– On a un problème de biodiversité, de pollution, de ressources et de dépendance géostratégique par rapport aux approvisionnements.
– on a un problème de spécialisation dans le division internationale du processus de production et nos secteurs fleurons (Tourisme, aéronautique, automobile) ont fortement été impactés par la crise Covid.
– on a un problème de financement des retraites et de rapports intergénérationnels.
– on a un problème de massification de l’enseignement supérieur avec des effectifs qui explosent et des financements qui ne suivent pas et la LPR n’est pas forcément faite pour améliorer la situation. Il semble aussi que les résultats à l’école en amont ne sont pas fameux si on regarde le dernier rapport. Il faut donc remettre à plat le fonctionnement et les exigences et ça peut coûter de l’argent.
– dans le même registre on a un problème d’insertion des jeunes sur le marché de l’emploi
– on a un problème de revenu agricole pour une profession qui globalement fait bien son boulot (même si on les critiques beaucoup) mais qui a du mal à aller dans une direction plus écolo si on ne leur donne pas les revenus qui vont avec (salaire moyen à 1300 €, 20 % ne se versent pas de revenu et 1 sur 3 à moins de 400 € par mois. On est loin du smic pour 50 à 60 h par semaines). Mais on a des polémiques récurrentes (glyphosate, scandales divers) qui ne facilitent pas la transition et le dialogue. Surtout que la PAC est remise en question.
– on a un problème de représentativité et de légitimité des diverses propositions politiques qui deviennent illisibles. Les élus sont souvent issus des classes aisées parce que le métier demande de la technicité et ca manque de diversité. Mais comment le leur reprocher.
– on a un problème de légitimité de la parole publique et de légitimité des experts et autres scientifiques qui jusqu’à présent incarnaient la raison et le savoir. En même temps les revirements sur le masque (pas utile, puis utile, puis indispensable) ou les polémiques récurrentes et les mensonges n’aident pas à établir la confiance.
– on a un problème de remise en cause des choix européens et de fonctionnement des institutions supranationales avec une montée de la demande nation ou de frontière (sur quelle base d’ailleurs puisqu’on semble n’être d’accord sur rien). Au passage si l’euro nous protège des spéculations monétaires, il pèse sur nos industries et sur notre compétitivité.
Ne rêvons pas. Les intérêts des uns ne sont pas les intérêts des autres. Je comprends à la fois, les revendications des plus pauvres et le raz-le-bol parfois des 10 % les plus riches qui se mangent le gros de la fiscalité. En même temps les très très riches sont assez épargnés. Les intérêts des retraités et des détenteurs de biens fonciers ne sont pas ceux des plus modestes, etc. Il y aura donc une conflictualité et il faut aussi se demander ce qui est légitime et efficace.
Dans ce joyeux foutoir, il faut arriver à se parler, à trouver des compromis et à savoir ce que l’on veut vivre ensemble. Sinon je ne vois pas comment et sur quoi on peut rêver à un retour de la nation. Pour l’instant on n’est d’accord que sur le fait que nous ne sommes d’accord sur rien. Même plus sur notre histoire. La démocratie est un plebiscite de tous les jours disait Renan. On doit savoir quel niveau d’inégalité est acceptable. Ce qui serait acceptable pour nous si on était placé dans la condition du voile d’ignorance comme aurait dit Rawls.
Dans ce joyeux foutoir, il faut arriver à savoir ce qu’on va pouvoir produire comme richesse (sinon plus d’Etat social) tout en tenant compte des menaces et des contraintes écologiques ou de ressources. Mais on n’a plus de les moyens de redistribuer toujours plus.

Si on décroît trop vite, c’est le chaos (plus d’argent pour les services publics (santé, police, éducation, logement, retraite, etc). Si on croît, on pourrait le payer casch en terme de climat dans quelques temps. Si on n’arrive pas à objectiver les risques et les priorités, la chienlit actuelle continuera. Savoir utiliser la matrice FRIC. Qu’est-ce qui est Facile, Rapide, Impactant et à un Coût raisonnable. QU’est-ce qui est plus difficile, plus lent, avec moins d’impact ou plus cher.

On peut aussi utiliser les 4 R de l’adaptation radicale.
Résilience, Renoncement, Restauration, Réconciliation.
Qu’est-ce que je mets en place qui est résilient dans ce contexte ?
A quoi je renonce parce que l’impact être trop grand compte tenu du contexte ?
Qu’est-ce que je restaure du passé (écosystème ou vieux savoir faire) qui pourrait être utile ?
Avec qui je discute et avec qui je me réconcilie pour pouvoir vivre avec malgré nos différences.
Tout cela demande du discernement et du dialogue parce que nous n’avons pas tous les mêmes préférences et priorités.
Il faut donc raisonner de manière globale et voir l’impact sur tel ou tel de chaque mesure. Etre capable de dire qui gagne et qui perd dans la nouvelle répartition. Si on oublie une variable on ne règle rien. Chacun y va de la sienne ou de sa priorité et j’aimerai avoir de « dirigeants » qui raisonnent en terme plus global. J’aimerai une démocratie ou les dirigeants expliquent et n’infantilisent pas les français.
En fait on a un problème de démocratie technique. Avoir les bonnes informations et les bons diagnostics pour faire les choix et les arbitrages de court, moyen et long terme au niveau local, régional, national et supranational. Savoir de combien on dispose de richesse produite et où elle va. Il faut des explications simples accessibles au plus grand nombre.
Dernier point, il n’y aura pas de sauveur, de personne providentielle ou de programme parfait. Chaque proposition politique a des avantages et des inconvénients. Ca s’appelle une optimisation sous contrainte. Il n’y a pas de solutions parfaites mais certaines sont moins mauvaises que d’autres.
Bon ne soyons pas trop défaitiste. On est encore un pays riche avec des infrastructures et des institutions solides et on le temps de s’organiser avant un chaos éventuel. Chance que n’ont pas d’autres pays plus pauvres et moins bien placés géographiquement que nous par rapport à des problèmes de climat, d’eau, de façade maritime ou de terres arables.
ne croyez pas que j’exagère. Il y a même un rapport sur le sujet remis au ministère de la transition écologique.
Voilà. Ne me remerciez pas. Bonne fête quand même et bonne troisième vague probable à venir.