Nouvel Office de Tourisme à Albi : globalement pas une réussite

Travel and tourism concept. Booking hotel by smartphone and destination signboard. 3d

Albi a fait le choix au moment de la rédaction de la loi NOTRe d’activité la clause ville touristique pour ne pas transférer la compétence à l’agglomération.

On pourrait dire chouette. Parce qu’il fallait un nouvel OT. L’ancien n’était pas fonctionnel et n’était pas accessible aux personnes à mobilité réduite.

Mais 805 000 € de subvention de la ville sur un budget de 1.2 millions pour un office de tourisme qui perd 20 % de fréquentation chaque année depuis 2 ans et un site internet qui fait trois moins de visites que mon blog perso je trouve ça un peu gloups. Mon site coûte 30 € par an d’hébergement en comparaison. Petit retour en arrière.

Que disait la loi ?
 « la loi NOTRe a définitivement été adoptée par le Parlement le 16 juillet 2016. La compétence ainsi baptisée « promotion du tourisme dont la création d’offices de tourisme » est désormais obligatoire pour les EPCI en lieu et place des communes membres au 1er janvier 2017. Les Offices de Tourisme actuellement communaux seront transformés ou verront leur gouvernance modifiée. »

Avant l’adoption de la loi NOTRe :

Le tourisme n’était pas une compétence clairement désignée parmi les différentes compétences des intercommunalités. Dans le cadre de la définition de l’intérêt communautaire des EPCI, les communes membres avaient le libre choix de transférer le tourisme et la gestion des Offices de Tourisme à l’intercommunalité, en les rattachant à la compétence « développement économique » des EPCI.

A noter qu’à ce jour, sans obligation légale, de nombreuses intercommunalités ont pris la compétence tourisme : on compte déjà plus de 61 % d’Offices de Tourisme communautaires, voire même intercommunautaires.

Après l’adoption de la loi NOTRe :

La loi NOTRe crée une nouvelle compétence « promotion du tourisme, dont la création d’offices de tourisme » qui devient une compétence à part entière des EPCI à compter du 1er janvier 2017.

Cette compétence touristique intercommunale est désormais inscrite parmi la liste des compétences obligatoires des EPCI aux articles L.5214-16 du Code général des collectivités territoriales pour les communautés de communes et L.5214-23-1 du même code pour les communautés d’agglomération et retranscrits dans le Code du tourisme à l’article L.134-1 (modifiés respectivement par les articles 64 et 65 de la loi NOTRe en attente de promulgation).
Dans le cadre d’une organisation touristique à l’échelle de la communauté de communes ou d’agglomération, il peut aussi être décidé d’avoir une gestion centralisée des équipements au niveau communautaire, ainsi que l’exercice de toutes les missions liées à la compétence tourisme, y compris la taxe de séjour, permettant ainsi de développer une politique de territoire cohérente, et une répartition ressources/charges cohérente.

Pourquoi des dérogations ?

Parce que des villes touristiques très connues, soit en montagne, soit sur le littoral qui vivent exclusivement du tourisme (ce n’est pas le cas d’Albi car cela représente moins de 6 % en terme d’emploi) voulaient pouvoir garder leur destin en main au niveau de la promotion de leur territoire. Elles ont donc poussé pour avoir des dérogations. D’autres voulaient le garder pour des question d’affichage politique et de visibilité. Question de marketing politique. Pour cela il fallait être classé ville touristique avant le 1 janvier 2017. La ville d’Albi s’est donc empressée de voter une délibération en ce sens. Pour Albi c’était essentiellement pour avoir un puissant outils de communication politique. Pas tellement pour l’enjeu que cela représente.

La dérogation qui permet de conserver un office de tourisme  à compétence territoriale limitée est inscrite à l’article 68 de la loi NOTRe. C’est cette  dérogation qui permet de conserver la compétence « promotion du tourisme » et donc un office de tourisme pleinement indépendant au niveau communal. Albi affirme avoir fait ce qu’il faut.

 

Erratum sur cette partie de l’article. Après dialogue avec les intéressés qui ont réagi à ma publication, il semble que l’absence de présence de la ville soit due à la déficience des services de l’Etat qui n’a pas mis à jour la base. On m’a effectivement fait parvenir l’arrêté de classement d’Albi qui permet la dérogation à la loi NOTRe.

https://www.entreprises.gouv.fr/tourisme/communes-touristiques-et-stations-classees-de-tourisme

voici la liste.

Étonnant mais factuel. Si vous le préférez en carte, ça donne ce beau schéma

La ville s’était engagé dans un plan de promotion que l’on retrouve dans divers documents. Notamment le Schéma Directeur de l’Office de Tourisme d’Albi 2018-2022. Il y a 5 axes :
Axe 1 – Développer un accueil d’excellence
Axe 2 – Affirmer le positionnement de Destination Albi
Axe 3 – Développer l’animation et la coordination des acteurs du tourisme, des partenaires et des habitants
Axe 4 – Une destination numérique et connectée
Axe 5 – Développer et diversifier l’activité commerciale

Visiblement ce n’est pas suffisant pour obtenir le classement qui pourtant permet la dérogation.

Passons maintenant au nouvel office de Tourisme

Il y a maintenant un an et demi, Albi inaugurait en grande pompe son nouvel Office de Tourisme. On lit dans la Dépêche les informations suivantes :

« Le nouvel office de tourisme de la ville ouvrira ses portes jeudi matin, à l’angle de la rue Mariès. Un nouvel espace de 170 m2 de plain-pied au service des visiteurs et de la ville. […]L’open space a de quoi séduire les futurs visiteurs, sachant que les statistiques gratifient l’ouverture d’un nouvel office de tourisme d’une fréquentation de plus 30 %. […]240 000 personnes ont franchi le seuil de l’ancien office, l’an dernier. Ce que ne manquait pas de rappeler Michel Franques.[…] Euros> Travaux. L’addition, pour le nouvel office est de 419.000 € auxquels il faut ajouter 170. 000 € de droit au bail. »

Comme je suis un peu curieux, j’ai voulu vérifier les chiffres. Je sais les chiffres, c’est un peu mon dada. Pas de bol. Ce n’est pas + 30 % mais moins 20 %.

Bon il y a peut-être des problèmes divers problèmes qui peuvent expliquer une mauvaise performance. Voyons le bilan de cette année. C’est le bilan de l’été.

Encore raté. A nouveau -20 %. Heureusement que les résidents albigeois sont curieux et fréquentent leur Office de de Tourisme pour voir à quoi il ressemble….

En fait, le coût pour la commune est de 805 000 €. C’est indiqué dans le budget. Car il fait l’objet d’une subvention dédiée. Nous en avions parlé dans cet article.

La désolidarisation de la dette

Comme la ville aime les choses clinquantes elle a souhaité avoir un budget dédié. Il y a une technique connue en comptabilité publique qui consiste à transférer une partie des investissements dans une association ou un organisme séparé qui reçoit une subvention. Ca transforme de l’investissement en fonctionnement. En effet on flèche une subvention et la distinction entre fonctionnement et investissement n’apparaît plus.  Ca a quand même comme conséquence de réduire la capacité d’autofinancement de la ville. Celle-ci c’est d’ailleurs fortement dégradée. On a perdu près de 5 millions. Et ça pose aussi la question de la sincérité et de la transparence de la gestion de la ville.

Pourquoi l’Office de Tourisme patine ?

Pour une raison simple. Depuis quelques années est apparu un outils qu’on appelle internet. Les gens préparent leurs voyages en ligne. En amont. Lorsqu’ils arrivent sur place, ils ont très peu besoin de l’office de tourisme. Heureusement que les albigeois viennent le voir cet Office de Tourisme.
Je me suis laissé dire que le responsable du Tourisme dans le Tarn trouvait cette situation problématique.

Le tourisme est en effet l’une des filières qui a été la plus fortement impactée par l’évolution des outils, des usages et des contenus numériques. On distingue aujourd’hui le e-tourisme (tourisme et web), le m-tourisme (tourisme mobile via des smartphone ou les tablettes) et le tourisme social (l’utilisation des réseaux sociaux pour le tourisme).
Aujourd’hui, ce sont près de huit touristes sur dix qui préparent leurs vacances sur Internet, et presque  un sur deux qui reste derrière son écran pour acheter son séjour.

Le tourisme ne se vit plus comme avant. Un nouveau terme définit d’ailleurs cette mutation : le continuum de la visite. En effet, cette visite se déroule en trois phases :

  •     Elle commence sur un écran pour s’informer et faire des choix,
  •     Elle se vit sur place avec des services et des contenus personnalisés,
  •     Elle termine en se démultipliant sur les réseaux sociaux, blogs et forums.

Pour rester compétitifs, les acteurs du tourisme se doivent donc d’adopter une attitude proactive vis-à-vis du numérique. Ils doivent intéresser, satisfaire, pour donner l’envie aux touristes de promouvoir leur destination : bref créer du lien ! C’est l’un des avantages du numérique qui invite au voyage, rend la visite attractive, et simplifie la vie au touriste : un champ des possibles très large !

Ce travail est très peu spectaculaire. Il rend la communication politique difficile. Les élus préfèrent toujours les communications ou les événements qui se voient et qui permettent de faire de la pub de leur action. Même si l’efficacité n’est pas au rendez-vous. Jugez par vous même. le site internet annonce 27 000 visiteurs uniques en septembre alors que le nombre de visiteurs est beaucoup plus  élevé. J’ai regardé mon propre blog. Sur le mois de septembre, j’ai peu publié et j’ai eu 75 000 visites c’est-à-dire 3 fois plus. Ils n’ont même pas la visibilité d’un blog perso !

Et j’ai plus de pages consultées par visiteurs (5 contre 3). On croit rêver. La réalité concrète est qu’ils font 3 fois moins bien qu’un blog perso même pas interactif et qui fait des articles longs et compliqués comme celui-ci.

Il y a selon les chiffres de la mairie 1,2 millions de visiteurs. on est à très  peu de visiteurs qui passent par le portail proposé par la ville. Les gens n’utilisent absolument pas les outils qu’ils proposent .  Et du coup je trouve un peu problématique de mettre 805 000 € par an dans un Office de Tourisme qui voit sa fréquentation baisser alors que l’offre numérique n’est pas à la hauteur. Il y a à peine 3 pages par visiteurs et seulement 237 téléchargement de documentations. Je rappelle que les impôts ont fortement augmenté cette année. On l’avait déjà signalé.

Il serait bien plus sage du mutualiser les moyens, de travailler la destination au niveau de l’agglomération et de réfléchir à une coordination avec les outils du département et de la région.