Scénarios dangereux pour l’Algérie

Traduction libre pour transition 2030 par l’auteur de ce blog d’un article en espagnol issu de ce site http://crashoil.blogspot.fr/2017/03/los-escenarios-peligrosos-argelia.html

Attention. Je mets en garde contre le début de l’article. des expressions comme « SIDA historique » me déplaisent fortement et m’interrogent sur les valeurs humanistes des auteurs. J’ai préféré traduire par fléau. Cependant la qualité de l’analyse sur l’effondrement me parait intéressante. Mais je ne cautionne pas  ce genre de formules. J’ai aussi préféré parler de peuple alors que le texte initial parlait de race. la question de l’invasion par l’Algérie est aussi problématique mais il faut considérer que les individus chercheront à quitter leur pays.

Scénarios dangereux pour l’Algérie

 

Quand Antonio se demanda dans un des ses articles si nous finirions par être envahis par l’Algérie, la majorité n’y vit pas cela comme une formule poétique, ou comme une brillante alégorie des risques supposés existés à nos portes, un pays qui réunit en son sein la majeure partie des problèmes qui nous menacent pour le futur.

 

Je ne sais pas si l’invasion proprement dite aura lieu, et encore moins dans quelle direction, compte tenu de ce fléau historique que sont les nigauds de l’humanitarisme de court terme, mais il est clair que l’un des scenarii les plus dangereux que nous devrons affronter dans le futur en plus de l’Egypte et du Nigéria que nous évoquions dans des articles précédents.

 

Sans plus de préambules nous allons jeter un oeil. Rien de mieux que de regarder une carte qui nous permet de constater qu’il se passe quelque chose de curieux.

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L’organisation administrative fut créée pour que chaque province aient un poids similaire en ressource en population, ce qui fait que nous pouvons nous construire une idée de la manière dont sont réparties les personnes et pourquoi une partie du pays est réellement approvisionné pendant que le reste est occupé par des déserts interminables.

Les données de l’Algérie sont, dans tous les cas impressionnantes deux millions et demi de kilomètres carrés, approximativement 5 fois l’Espagne, et quarante millions d’habitants.

Abordons son histoire comme nous l’avons fait dans d’autres cas. Ce n’est pas de la folie, comme quand nous parlons de l’Egypte, mais cependant quelques éléments qui peuvent nous éclairer.

L’Algérie a été peuplée par les berbères depuis des temps immémoriaux. Au lieu de pouvoir décrire ce peuple, je vous livre une photo d’une fillette berbère, qui nous donne une idée du type de peuple.

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Durant le millénaire qui précéda le Christ, les berbères établirent des contacts avec les phéniciens et les égyptiens et reçurent une forte influence de ces contacts. Au 3ème siècle avant Jésus Christ, ils apparaissent sous le vocable de Numidie, et au fils du temps ils devinrent une province Romaine. Après la chute de Rome, ils furent envahis par les vandales dans les années 430. Au début du 6ème siècle, les troupes de Justinien chassèrent les Vandales et récupérèrent le royaume pour le compte de l’Empereur Byzantins et ils dirigèrent le pays jusqu’à l’arrivé des arabes au 8ème siècle.

Après la conquête arabe, une bonne partie de la population resta chrétienne et résista à l’Islam mais peu à peu le pays se convertit à la religion de Mahomet bien que l’influence demographique des arabes fut limitées.

Durant plusieurs siècles, ce qui allaient devenir les algériens se rendirent célèbrent dans les guerres civiles de la région en envoyant des contingents armés dans diverses directions pour participer aux conflits. L’influence dura 3 siècles jusqu’à ce que la victoire chrétienne de la bataille de Las Navas de Tolosa, qui eut pour consèquence la chute des Almohades et des Almoravides qui durent se retirer d’abord partiellement puis définitivement après la conquête de Grenade par les rois de Castille et d’Aragon en 1492.

Peu après, les européens contre attaquèrent :  en 1501, les portugais lancèrent une expédition pour conquérir Oran. Les berbères resistèrent. 4 années après, la cité fut attaquée par les espagnols qui rasèrent tout en provoquant 6000 incendies. La cité se rendit et dans les mains du Cardinal Cisneros passa à la couronne espagnole. un an après, les espagnols  prennent d’assaut Alger et commence une longue série de guerres pour le contrôle de la Méditerranée qui impliqua également les turcs. En 1792, la guerre est détruite par un tremblement de terre qui met fin aux guerres avec les espagnols.

En 1830, la France prit la relève de l’Espagne et commença à s’établir sur les côtes algériennes. La colonie prit de l’importance jusqu’à devenir un département supplémentaire français. Le processus de colonisation se poursuivit jusqu’en 1954. La France refuse la décolonisation et la guerre durera jusqu’à l’indépendance de l’Algérie en 1962.

Après l’indépendance, presque un million d’Européen abandonnent le pays, le laissant sans médecins, techniciens, ni professionnels qualifiés. Le processus fut catastrophique pour le pays qui n’avait pas pu former sa propre élite intellectuelle. Le chômage atteint 70 % de la population. A ce moment là le pays fut gouverné par le FLN, un parti socialiste qui se transforma en parti unique qui nationalisa les propriétés françaises et imposa un régime laïque, débarrassé de l’influence religieuse et qui invita les femmes à se débarrasser du voile et à participer à la vie publique. L’aventure socialiste se termina en 1965 par un coup d’État.

La dictature militaire qui suivit fut d’inspiration socialiste mais plus nationaliste. Elle se nomma social nationalisme car le terme national socialisme était mal connoté mais c’était plus ou moins la même chose. Ils concentrèrent leurs efforts sur la réforme agraire, l’alphabétisation du pays, l’amélioration du système éducatif, la libération de la femme et l’émancipation des coutumes archaïques mais aussi le développement d’industries et d’infrastructures propress qui permirent l’indépendance nationale de fait et pas uniquement sur le papier. Ce régime perdura jusqu’à 1978. A la mort du président Boumédiane, Bemndejdid prit le pouvoir. Il était plus proche de l’occident et du marché livre, et plus préoccupé par l’augmentation du niveau de vie de la population, mais il dut affronter les deux pires menaces du pays : l’explosion démographique qui augmentait le chômage et l’insuffisante de revenus dus à la rente pétrolière.

Ainsi commencèrent les émeutes de 1988 qui conduisirent à la disparition du parti socialiste unique et aux élections démocratiques de 1990. Et qui gagna les premières élections démocratiques ? les islamistes qui prônaient la fin de l’ouverture et la fin des droits des femmes, etc.

Les partis laïques n’acceptèrent pas la victoire des islamistes et ils arrêtèrent les leaders ce qui conduisit à de nombreux assassinats et à la guerre civile. Après des affrontements qui firent des milliers de morts, la situation sembla se pacifier avec les élections de 1999 du président Bouteflika, un homme qui ne faisait pas consensus mais qui résorba l’ampleur de la guerre. Aussi bien cette élection que les ses réélections successives de 2004, 2009, 2014 furent contestées et suspectées de fraudes.


Situation actuelle :

 

Après ce rappel historique de la situation algérienne nous allons dessiner un aperçu de la situation actuelle. le plus important est selon moi l’évolution démographique.

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En effet, comme nous avons pu le voir, avant la guerre d’indépendance, l’Algérie comptait à peine 10 millions d’habitants, dont 1 million et demi étaient des français. Après la guerre qui supposa la perte de 10 % de la population, l’Algérie passa de 10 millions à 40 millions actuellement.

Entre temps:

  • Ses ressources n’ont pas augmenté.
  • Ses puits de pétrole ne sont pas plus productifs.
  • Ses côtes ne fournissent pas plus de poissons.
  • Son territoire n’est pas moins aride.
  • Sa cohésion sociale ne s’est pas améliorée.

Ainsi les tensions sont inévitables, quel que soit le gouvernement, quel que soit le système politique et quelles que soient les mesures économiques prises.

Peut-être, le problème est-il plus visible en comparant l’augmentation de son économie, le PIB et le PIB par habitant et bien en regardant la richesse de la population.

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Comme vous pouvez le constater l’augentation de son économie est robuste et stable et pourtant l’appauvrissement de la population se poursuit, alors qu’il semble que le revenu augmente. Ceci arrive, essentiellement car la population augmente à un rythme plus élevé que la richesse, chose qui est absolument normale pour quelqu’un qui est familiarisé avec la loi des rendements marginaux décroissants.

La deuxième raison, et c’est contre intuitif quand on regarde les données, est que l’accroissement du PIB se produit dans des secteurs qui se repartissent pas de manière homogène et qui dépendent en grande partie des prix de l’énergie, qui impactent la population plus que ce que les données le laisse supposer. On a ici ce que l’on appelle la malédiction des pays exportateurs de ressources naturelles : ils ont besoin d’un accroissement plus important du PIB pour la richesse générée parvienne à la population.

 

Nous arrivons maintenant au graphique de la question énergétique.

 

Je copie-colle les propos d’Antonio

« La production de gaz algérien plafonne et baisse même légèrement et cela se vérifiait aussi quand les prix internationaux étaient élevés. En fait l’Algérie a franchi son pic de gaz naturel. »  

 

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« Comme le montre  le graphique précédent, la production non seulement n’a pas augmenté depuis les années 2000, mais comme cela se produit dans les pays exportateurs, la consommation interne a augmenté avec l’industrialisation progressive (une fois dépassée la cruelle guerre civile des années 90) ce qui a produit une baisse durable des exportations de gaz. »

 

« Pour finir d’aggraver la situation algérienne, la production de pétrole a dépassé son pic depuis 10 ans et là aussi l’augmentation de la consommation interne a favorisé une diminution rapide des exportations. »

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« Pour les instances publiques et privés espagnoles et françaises (avec l’entreprise Gaz naturel dans le cas de l’Espagne), il existe une difficulté constatée pour comprendre que ce qui se passe en Algérie avec la production d’hydrocarbures est un phénomène connu qui doit plus la géologie et à la thermodynamique qu’à des raisons économiques, politiques ou sociales, et de là découle les pressions pour l’Algérie libéralise l’exploitation du pétrole et du gaz naturel »

     « Si on ajoute la chute naturelle de la production d’hydrocarbures en Algérie et les prix bas actuels on comprend que l’Algérie est actuellement dans une situation très délicate : les exportations d’hydrocarbures représentent plus de 90 % du total des exportations et plus de 90 % du revenu national. Jusqu’à aujourd’hui l’Algérie a accumulé un déficit commercial de 11 milliards de $ auquel il faut ajouter une somme équivalente l’an dernier alors que le PIB de l’Algérie est passé de 213 milliards de $ en 2014 à 168 milliards de $ en 2015. Bien que le niveau d’endettement de l’Algérie puisse sembler soutenable avec une vision de pays occidental, ce pays nord africain n’a pas les moyens de financer ces déficits (car dans notre monde quelqu’un doit bien produire ce que les autres consomment) et cela provoque un effacement de la scène politique algérienne qui rappelle les années qui ont précédé la guerre civile qui commença en 1991 »

Je m’exprime à nouveau. Je n’ai fourni ce long extrait qui est explicite de AMT uniquement pour montrer que je ne dis pas autre chose et que rien n’est nouveau pour ce blog.

Conclusion:

L’Algérie est un scénario explosif car elle est affectée par une combinaison de facteurs qui sont en eux même explosifs. Chacun d’eux pourrait déclencher une crise. Combinés, ils augmentent la probabilité que l’histoire se finisse mal.

-1- Démographie hors de contrôle. Ce qui lisent régulièrement savent que je pense que Malthus avait raison, bien qu’il se soit trompé sur la période. Un autre élément plus simple est bien sûr le peak oil. Quadruplé la population en 50 ans dans un des pays les plus désertiques au monde ne peut que mal se terminer.

-2- Un grave problème énergétique. Le pays a déjà  franchi le peak, et sa tentative de développement interne freine les exportations et il ne semble pas très probable qu’une ressource puisse se substituer aux hydrocarbures comme  source de richesse nationale.

-3- Problèmes politiques. Le président Bouteflika, qui semble le seul dirigeant qui fasse consensus, est prostré après son accident cérébral. Son etat de santé fait l’objet de fortes spéculations et il a aussi plus 80 ans. La course à sa succession ne sera pas facile, ni dans son camps ni chez ses opposants.

-4- Un population jeune, sans perspectives d’amélioration de sa situation et avec un taux de chômage qui ne semble pas si élevé par rapport à nos standards mais le chiffre cache l’absence de couverture sociale et un sous emploi effrayant qui fait que la population subit les hausses des prix des produits de premières nécessité ce qui génère de très grandes tensions.

-5-  Le climat. Malgré les difficultés déjà grandes pour la production agricole, l’Algérie est l’un des pays les plus susceptibles de subir les effets néfastes des changements climatiques. Comme le montre un graphique de Rafael Romero qu’il a partagé sur notre forum:

image07(ressources hydriques)

A mon avis, ce graphique est optimiste, car lorsque la population quadruple l’eau disponible par personne n’est pas uniquement divisée par 4 car pour diverses raisons le déclins est plus élevé.

Pour toutes ces raisons, l’Algérie suit l’Egypte comme candidat à la déstabilisation. Le seul point positif en sa faveur qu’il ne faut pas négliger est sa proximité avec l’Europe et la dépendance de celle-ci à ses exportations. Ce qui fait que quand la situtation sera totalement critique, elle aura des amis importants (ou une forme de peur) qui feront qu’un régime fort la maintienne à flot un peu plus longtemps.

Le temps nous le dira

Javier Pérez