Ce matin j’ai continué mon cours d’économie sur la croissance.
je reprends un cours existant mis en place avant moi et lorsque je ne suis pas d’accord, je le signale aux étudiants et on corrige ensemble.
Je me suis retrouvé avec le passage suivant
« Plus une nation aura une recherche et développement élevée et plus la croissance économique aura tendance à augmenter.
De ce constat certains tirent 2 logiques idéologiques :
- Pour développer la recherche et développement il faut favoriser la libre entreprise => politique de l’offre (plus de concurrence, moins d’impôt pour les entreprises).
L’État doit prendre en charge une partie de la recherche en finançant directement ou indirectement celle-ci. Par exemple en Europe il y a eu la stratégie de Lisbonne ou le CICE. »
Je veux bien mais cela me semble très partisan. Rapidement nous avons trouvé des données empiriques qui contredisaient ces idées dans un article de recherche de François Facchini dans la revue d’économie industrielle.
Source : Acs Z.J., Audretsch, Braunerhjelm et Carlsson (échantillon 18 pays de l’OCDE sur la période 1981-1998)
Source : Acs Z.J., Audretsch, Braunerhjelm et Carlsson (échantillon 18 pays de l’OCDE sur la période 1981-1998)
A la lecture des graphiques les affirmations précédentes sont fausses.
Au passage c’est la vision de Macron.
Des données plus récentes donnent des résultats relativement identiques. En tout cas on ne peut pas faire d’affirmations péremptoires dans un sens ou dans l’autre.
Les étudiants ne font pas forcément la différence entre vérifications empiriques et conjectures liées à un modèle théorique. Puisque c’est une théorie (courbe de Kuznet, courbe de Laffer, etc.), c’est juste.
En plus, nous avons, par notre statut, une autorité de fait sur les étudiants et ce que l’on dit est forcément juste.
Je ne crois pas à la mauvaise foi du responsable précédent du cours. Il a peut-être survalorisé sa vision personnelle de l’économie qui est proche du libéralisme.
Ce genre d’affirmations n’était pas totalement dénuée de sens. Elles appartiennent au champ de la croissance endogène. Mais elles se sont pas complétement corroborées par les faits et ignorent le rôle de la sérendipité (qui écorne les grands programmes de recherches) ou des cygnes noirs positifs de Nassim Taleb.
Je pourrais ajouté que les travaux de Giraud, Kahraman qui indiquent le rôle de l’énergie dans la croissance et qui sont globalement absents.
Nous devons nous méfier de nos propres opinions et leur apprendre à penser de manière indépendante et confrontant les modèles aux données empiriques. Finalement, nous devons leur apprendre à procéder avec une démarche scientifique.