Ne pas céder à la panique pour le climat ou l’effondrement ou …

Une petite traduction pour les gens inquiets qui communiquent leur stress aux autres. Je pense que c’est valable pour bien d’autres sujets qui nous tiennent à coeur.

Climate anxiety doesn’t have to ruin your life. Here’s how to manage it de 

L’anxiété à propos du climat ne doit pas gâcher votre vie. Voici comment vivre avec.

Une lectrice m’a récemment écrit pour me dire qu’elle avait abandonné. Elle en avait assez.

Notre lectrice est une recycleuse infatigable, voire même une évangéliste du recyclage. Elle retire les emballages recyclables des poubelles de ses collègues, action qui lui avait valu la réputation de « salope intransigeante ». Elle s’énerve de la désinvolture des magasins à propos de la réutilisation des sacs plastique. Et elle essaie, écrit-elle, de ne pas plonger dans un abîme de désespoir.

Les gens vont choisir un des deux camps en écoutant une histoire pareille. Certains vont l’encourager car son combat est juste et d’autres vont la critiquer comme étant une intégriste dépourvue d’humour, qui vous fait la morale pour vous dire comment vivre. Dans les deux cas, son conflit intérieur est bien connu : elle s’efforce de faire ce qu’elle peut pour éviter une catastrophe qui semble inévitable, tout en ne constatant aucun progrès.

Le changement climatique est une menace existentielle. Si la concentration de CO2 continue et que les températures s’élèvent encore de quelques degrés, l’espèce humaine est condamnée. Cet été, en particulier, nous avons vu une succession de désastres plus pires les uns que les autres, qui ont changé définitivement des vies et des paysages : depuis l’ouragan Harvey jusqu’aux feux de l’Ouest qui ont rempli le ciel de cendres.

C’est aussi une menace particulière car vous savez ce qu’il faut faire pour l’éviter. Ne pas prendre la voiture, ne pas prendre l’avion, ne pas manger de viande, ne pas acheter plein de choses, ne pas voter pour (la plupart) des Républicains. Mais en pratique, il est difficile de faire beaucoup de ces choses. Au mieux, c’est gênant, au pire ça complique votre vie quotidienne et compromet vos objectifs à long terme. Le changement climatique – bien que lent– a déjà commencé à impacter les lieux où nous vivons, de manière irréversible. Ceci, pour un individu moyen, procure un sentiment  viscéralement déprimant.

Donc je vous laisse un instant. Mais juste un.

La triste vérité est que vous ne pouvez pas contrôler les actions de vos pairs, collègues et concitoyens. Donc vous devez vous comprendre comment vous empêcher de perdre tout espoir.  Donc j’ai fait ce que beaucoup d’Américains font à contre-coeur et j’ai consulté un psychologue-thérapeute (ils sont peu nombreux en réalité). Voici ce que j’ai glané : confrontez-vous à la fin de votre vie et trouvez quelque chose qui pourrait canaliser votre anxiété efficacement.

Un cerveau anxieux est une sorte d’enfer. Laissez-moi essayer de vous le décrire pour ceux qui ne seraient pas familier. Il y a un danger diffus qui vous guette : vous ne savez pas ce que c’est, mais vous savez que vous êtes censé faire des choses pour l’éviter, et vous n’en faites aucune. Alors vous essayez d’en faire et vous êtes inquiet. Le poids de votre inaction devient de plus en plus lourd.

L’anxiété est très courante de nos jours. Beaucoup d’entre nous pensent ne plus rien contrôler et nous aimons le crier sur Internet, comme l’a souligné récemment Julie Beck dans « the Atlantic » : «J’ai peur, je ne sais pas ce qui va se passer et je ne peux plus dormir ! » (le hurlement, comme l’a noté Beck, ne vous soulage pas, mais diffuse votre anxiété à vos auditeurs.)

Une partie du travail de Renee Lertzman, une psychologue  environnementaliste, est dédié à ce qu’elle appelle “la mélancolie de l’environnement” : notre tristesse inconsciente vis-à-vis des pertes et dégradations environnementales. Dans la grande tradition culturelle américaine des blancs protestants (WASP = white anglo-saxon protestant, soit le socle de valeurs dominantes aux USA ; NDT), nous n’avons aucune idée de la manière dont nous pouvons parler de ces sentiments. Donc nous ne le faisons pas. Lertzman part de l’idée qu’une personne seule ne peut pas arrêter la crise environnementale. Une personne peut faire beaucoup, mais de nombreuses autres personnes dissiperont l’effet de cette action individuelle. Ce déséquilibre peut conduire à une forme de dépression – une « forme d’abandon » dit-elle. Les victimes  pourraient éviter ce sentiment en se concentrant de manière obsessionnelle sur un comportement qu’elles jugent efficace.

Donc l’éveil de la conscience écologique et environnementale peut conduire celui qui est victime du syndrome décrit à devenir un fanatique du recyclage, un « vegan évangéliste », un zélateur du vélo. Votre envie de convertir les autres à la cause se développe : si tout le monde connaissait les risques de disparition des humains avec le changement climatique, pourquoi ne prendraient-ils pas les mesures nécessaires pour les prévenir? Bientôt vous harcelez les gens qui ne se sont pas encore convertis « vous devez le faire aussi car sinon nous allons tous mourir ».

C’est la pire approche si vous souhaitez avoir un impact, nous dit Lertzman.

“Notre incapacité à gérer des sentiments que nous ne contrôlons pas nous amène vers une communication inefficace et des comportements improductifs qui tournent autour de : « Comment puis-je attirer votre attention sur les choses qui m’importent ? », « Comment puis-je vous faire changer ? » explique-t-elle. « Et cela provoque la résistance et une forme d’ambivalence des gens ». Personne n’aime qu’on lui dise quoi faire.

Les gens ne réfléchissent pas non plus à leur propre disparition. Mais la lutte contre le changement climatique consiste essentiellement à ne pas penser à notre propre mort. C’est la philosophie qui guide Michel Apathy, un psycho-thérapeute néo-zélandais qui traite les anxiétés au sujet de l’environnement. Chez certains de ses jeunes patients, il voit « une véritable terreur et un désespoir, quand ils décrivent un futur personnel ou collectif très très noir »

Mais ressentir de la terreur et du désespoir n’est pas la même chose que de s’attaquer aux implications inéluctables du changement climatique. Ils sont le produit du sentiment de futilité généré par l’anxiété – la sensation de tourner en rond et de ne pas pouvoir sauver le monde.   « La possibilité de faire quelque chose de proactif est très très saine dans mon esprit » dit Apathy -alors que son nom évoque le contraire. « Mais lorsque cet activisme est un substitut pour ne pas affronter la peur, la rage sourde et la perte, périodiquement nous devenons incrédules et comme acculés contre un mur »

Donc peut-être que notre lectrice initiale – qui était qualifiée de « salope intransigeante » – en fait surveillait les poubelles de son entourage pour ne pas faire face à sa propre mortalité. Je veux donc dire, qui parmi nous fait de même ?

Margaret Klein Salamon, une psychologue fondatrice de l’initiative pour la Mobilisation pour le climat (Climat Mobilization initiative), aime citer (en fait paraphraser) le conservateur connu Aldo Leopold : « Avoir une conscience écologique, c’est vivre dans la souffrance » . « La vérité est : c’est vraiment terrible » dit Klein Salamon qui pense qu’il ne nous reste plus de temps avant la crise climatique « et je préfère vivre avec ça ». Son organisation milite pour une mobilisation comme pour la Seconde Guerre mondiale pour réduire considérablement les émissions. Ce n’est pas ce qu’elle ambitionnait pour sa propre vie. Elle voulait être psychologue pour avoir une famille – sa vision personnelle du rêve américain. « Je faisais mon doctorat quand j’ai réalisé que tout cela, “avoir un cabinet et écrire des livres“, ne serait pas super sur une planète en cours d’effondrement ».

Elle a donc changé de cap. Et, bien que la cause soit importante, les moyens de la Mobilisation Climatique sont dérisoires au regard de sa volonté de changement. Ils se résument ainsi « organisez votre communauté et engagez vous politiquement. » Cependant, avec si peu de personnes désireuses de prendre leurs responsabilités, je me demandais comment Salamon ne se retrouvait écrasée par un tel poids.  « J’avais de nombreux doutes sur la possibilité que ça marche » répond-elle. « Mais en fait, je n’avais pas de doute sur ce que je devais faire. Ce n’était pas grave qu’il y ait 50 % ou 10 % ou 1 % de chances que ça marche. ce qui compte, c’est de faire tout ce que vous pouvez pour augmenter cette probabilité. »

Un des points les plus subtils et importants pour Klein Salamon est qu’il y a des millions de façons d’attaquer un problème aussi important que le changement climatique. Un seul élément ne peut pas solutionner le problème bien sûr, mais chaque petit point compte pour réduire les émissions de carbone. Il vous appartient de déterminer quelle peut être votre plus petite pioche (comme dans un jeu de cartes) et comment l’exercer pour avoir le plus d’impact.

Le choix le plus judicieux que nous pouvons inférer des recommandations de Renee Lertzman est peut être de ne pas crier sur les gens mais plutôt de trouver d’autres manières d’intéresser les gens aux questions du changement climatique.  Courtney Mattison, par exemple, crée de magnifiques sculptures de corail. L’idée est qu’un observateur non initié pourrait se dire en voyant ces recréations de céramique de la structure du corail : « Que c’est beau –je ne veux pas que ça meure ! » C’est la façon dont elle sensibilise au changement climatique.  Elle a trouvé sa passion après être tombée amoureuse de la barrière de corail et elle a immédiatement compris qu’elle était en train de mourir. Elle le conçoit comme une marche du souvenir en l’honneur de Mandy Moore touchée par le cancer mais en remplaçant celle-ci par la zooxanthella (le micro organisme du corail NDT). Quand il s’agit de sauver les écosystèmes, explique-t-elle, vous ne pouvez pas dire au gens quoi faire. A la place il faut les intéresser.

Focalisez un instant votre attention sur les difficultés du travail de Mattison. Elle passe des mois à façonner des répliques de son corail chéri qui meurent dans l’eau à cause de milliards d’humains inconscients. « Chez moi, je rage, je me plains et je m’arrache les cheveux » dit Mattison quand je lui demande où elle trouve la force de continuer.  « Puis je le rassemble en moi et je pense à la meilleure façon d’inspirer le changement. »  Matisson a choisi un gros challenge. Il est difficile de persuader des humains d’évaluer leur impact sur des créatures non humaines.

Robert Nutlouis a été coordinateur des bénévoles de « Black Mesa Water coalition » (association de préservation de la terre pour les peuples autochtones NDT) pendant 16 ans. Cela signifie – parmi d’autres tâches – de soutenir l’adhésion et l’enthousiasme de la Nation Navajo au Nord-Ouest de l’Arizona pour les questions climatiques. Il devait souvent négocier des compromis entre des intérêts divergents à l’intérieur de la communauté. Il y avait par exemple de nombreux débats à propos du charbon, du pétrole et des infrastructures de gaz dans la réserve. Les plus anciens élus soulignaient les revenus générés qui pouvaient améliorer le sort de la communauté relativement pauvre, alors que Nutlouis et ses jeunes acolytes insistaient sur le fait que cela éloignerait la communauté de leur mode de vie durable. Les deux groupes voulaient le même résultat. La survie et le succès de la nation Navajo. Mais ils envisageaient des voies radicalement différentes pour y parvenir.  

Comment ne pas se désespérer quand les gens avec qui vous êtes en profond désaccord sont ceux que vous essayez de protéger ? Comment gérez-vous la résistance au fait d’écarter la menace, qui pour vous est urgente ? La réponse m’a franchement surpris : il attend. Le projet qu’il développe – l’autonomie alimentaire, un système de concession foncière – sera confié aux membres les jeunes de la tribu qui, eux, comprennent le changement climatique et sont désireux de le combattre.  « J’ai accepté le fait que certaines de ces idées ne verront pas le jour de mon vivant » dit-il. «Mais nous devons planter ces graines et certaines d’entre elles pousseront. Il faut les arroser et les nourrir. C’est mon espoir dans mon travail »

Tout cela pour vous dire, chers lecteurs, que quand vous sentez inquiets et que vous perdez pied face au changement sur notre planète, choisissez la chose que vous pouvez faire le plus efficacement et ne laissez pas les autres détruire votre foi en cela. J’ai choisi ma voie – le journalisme sur le climat. C’est souvent horrible – à cause de ce que traite le sujet – et je me sens régulièrement inquiet, impuissant et triste.

Mais lorsque j’arrive à traiter un sujet aussi bien que je le souhaite, je me dis que j’ai fait un pas, certes petit, mais important pour sauver l’humanité. Et cela rend la rechute inévitable, plus facile à vivre. Vous ressentez ce que vous ressentez, vous faites ce que vous pouvez et vous essayez de ne pas porter sur vos épaules toutes les molécules de carbone qui traînent. D’autres personnes portent aussi ce qu’elles peuvent, qu’elles aient pris conscience ou non – et la plupart sont aussi perdues que vous. Vous les aidez à comprendre les choses qui peuvent être faites plutôt que de leur dire ce qu’il faut faire. Vous essayez d’être patient. Et en faisant toutes ces choses, nous arriverons à ne pas perdre espoir.

Fin de l’article

Ajoutons quelques mots. En fait face à une réalité qui nous dérange, nous avons tendance à négocier, à refuser la réalité. En fait il est probable que notre comportement agressif soit lié à la courbe de deuil. Il nous faut d’abord faire un travail sur nous pour vivre cette situation qui nous dérange.