Décryptage : agence de notation

Décryptage : la notation de la France

 

Une notation qui fait débat

 

Nous vivons une époque où les Etats nationaux sont notés par toutes sortes d’agences ou d’institutions : c’est la pratique du « benchmark ».  En cette fin d’année,    les notes de l’élève France ne sont pas bonnes : reléguée en éducation au  25ème rang sur 34 par le classement PISA ;  dégradée en économie par Standard&Poor’s.

Récemment encore, la Commission européenne a émis des réserves sur notre politique.  Mais n’est-il pas singulier que des agences privées ou des institutions notent un pays souverain ?

 

Les Agences de notation modernes « Cassandre » de la finance ?

 

Les agences de « rating » existent depuis le XIXème siècle. Elles virent le jour suite à des paniques boursières,  en réponse  au besoin d’information des épargnants. Leur dénier toute  légitimité est excessif :  il  est normal que ceux qui prêtent aux États aient des informations fiables sur les risques encourus. Certes les faillites d’Etats sont rares mais possibles : sans remonter à l’emprunt Russe,  pensons au défaut de paiement de l’Argentine en 2002.

Cependant, l’objectivité des agences pose question. Pour justifier leur rôle, elles ont intérêt à dégrader certains pays provoquant par la même le désastre qu’elles annoncent. Ainsi, pour la Grèce, le « C » a fait flamber les taux d’intérêt provoquant l’insolvabilité du pays.

 

La Commission est-elle dans son rôle ?

 

Olli Rehn, Vice-président de la Commission européenne a distribué les avertissements :   « Si la France et l’Allemagne mettaient réellement en application les recommandations du Conseil européen, elles rendraient un grand service à la zone euro « .

Non, a répliqué Paul Krugman, prix Nobel  qui défend la politique de la France et fustige la Commission et les agences : « la France est une nation souveraine et son gouvernement démocratiquement élu n’a pas à recevoir des leçons de la Commission.»

Mais n’oublions pas que la France est membre de la zone euro et doit s’efforcer de conduire une politique convergente avec ses partenaires. Depuis le Traité sur la Stabilité, la Coordination et la Gouvernance  de 2012, la Commission rend un rapport annuel sur la politique des pays membres. Cela peut mener à une « procédure d’alerte »  possiblement assortie de sanctions. C’est le sort de l’Allemagne pourtant réputée meilleure élève de la classe  : lui est reproché son manque de solidarité vis à vis de ses petits camarades !

 

Sur le fond, la baisse de la note de la France est-elle justifiée ?

 

Les agences nous reprochent de ne pas avoir coupé suffisamment dans les dépenses publiques  ni mené assez loin certaines  réformes structurelles –    comme  dérèglementer le marché du travail, renforcer la concurrence pour  favoriser la hausse du pouvoir d’achat, etc -.

 

Paul Krugman réfute catégoriquement. Pourquoi les agences dégradent-elles la France et pas la Grande Bretagne qui a pourtant des performances macroéconomiques passées comparables ? Ne serait-ce pas en raison de préjugés idéologiques « ultralibéraux »  qui dominent les instances mondiales? Car, en recommandant la baisse drastique des dépenses publiques,  on va provoquer un cercle vicieux, accentuer la récession et  rendre impossible le remboursement de la dette. Autant chercher à remplir le tonneau des Danaïdes. A contrario, il pense que la France a fait le bon choix en préférant taxer les hauts revenus et en ne coupant pas trop dans les dépenses.

 

On ne peut que donner raison à Krugman sur ce point. Il faudrait que les agences se montrent moins dogmatiques  et plus responsables. L’ information  économique est devenue un « bien public ». N’est-ce pas le moment de créer, sur le modèle de l’INSEE, une agence européenne  à la fois publique  et indépendante ?

Christian BRANTHOMME, Loïc STEFFAN