Décryptage : le consentement à l’impôt

La remise en cause du consentement à l’impôt est inquiétante pour la démocratie

 Le climat de fronde fiscale qui alimente conversations et réseaux sociaux a culminé avec la manifestation des Bretons contre l’écotaxe. Le Parlement n’est pas en reste. La dernière séquence politique a vu la proposition puis le retrait de plusieurs impôts. Un sondage (IPSOS /Le Monde) montre que près de la moitié des Français refusent l’idée que « l’impôt est un acte citoyen ». Or le consentement à l’impôt est à la base de la vie démocratique.

 Pas vraiment de “choc fiscal” en 2014

Paradoxalement, il n’y aura pas d’explosion fiscale l’an prochain. L’ardoise augmentera seulement de 3 milliards (1% des 280 milliards d’impôts du graphique). C’était 20 milliards par an les 3 années précédentes. Pour atteindre l’objectif nécessaire de réduction du déficit en 2015 le gouvernement a choisi de réduire les dépenses publiques de 15 milliards plutôt que d’augmenter l’impôt.

La multiplication des mesures entraîne opacité et défiance

 Plus de 80 dispositifs fiscaux ont vu le jour en 18 mois. Bercy a choisi d’additionner des mesures peu lisibles, pénalisant les uns, exonérant les autres. Cela suscite incompréhension et défiance sans rapporter assez d’argent d’autant que les citoyens pensent que les services rendus par l’Etat se dégradent. Pas évident de saisir que la « ré-indexation du barème de l’impôt sur le revenu » va réduire nos impôts de 0,9 milliard. Faut-il voir dans le Crédit d’Impôt Compétitivité un cadeau de 10 milliards au patronat ou une baisse nécessaire du coût du travail ? La réforme du quotient familial ne rapporte qu’un milliard. Vaut-elle de remettre en cause la politique familiale ?

 L’écotaxe victime du syndrome “NYMBY”

 Les sociologues ont inventé le syndrome « Not In My Back Yard » (pas dans mon jardin) pour qualifier l’acceptation de mesures écologiques sans toutefois y contribuer. Ainsi, les Bretons se disent écolos, mais pas question pour eux de payer plus, en raison de leur isolement géographique, et des difficultés de leurs filières. Que diront les autres régions ?

La crise ne favorise pas la réforme fiscale

 La hausse du taux intermédiaire de TVA de 7 à 10 % rapportera 6 milliards mais freinera la construction. Taxer à 15 % des revenus de l’épargne “populaire” (PEA et PEL) nuit au pouvoir d’achat et au logement social pour une récolte mince : 0,6 milliard. Soucieux de ne pas casser une croissance fragile, le gouvernement l’a supprimée. La « taxe à 75 % » versée par les entreprises ne concerne que mille personnes, ne rapportera que 260 millions, et va créer des distorsions entre deux clubs ultra riches et les autres.

Que faire et comment le faire ?

Pour être consentie une réforme fiscale doit être juste, lisible et efficace (rapporter beaucoup sans impacter l’économie). Deux impôts remplissent ces conditions : la CSG et la TVA « sociale » (intégrant le financement de la sécurité sociale). Efficaces, car 1 point de CSG et de TVA rapportent respectivement 12 milliards et 8 milliards sans peser sur le coût du travail. Si La TVA améliore la compétitivité, elle est injuste car « dégressive ». En proportion du revenu, les riches consomment moins et payent moins de TVA. Avec d’autres économistes, notre préférence va à une simplification des impôts et à une CSG progressive (avec 3 taux comme le propose Piketty), prélevée à la source sur tous les revenus du travail et du capital. Reste le plus difficile, la mise en œuvre politique : conjuguer pédagogie et courage politique pour remettre la fiscalité au service du vivre ensemble.

Christian BRANTHOMME et Loïc STEFFAN

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