Enténder la COP 21

Florida, USA --- Steam Cloud Above Smokestacks --- Image by © Ted Horowitz/CORBIS
Florida, USA — Steam Cloud Above Smokestacks — Image by © Ted Horowitz/CORBIS

Un an après le rendez-vous de Lima (Pérou), les grands de ce monde se réuniront début décembre pour tenter d’arracher un accord sur le climat. C’est mal parti. En effet, il est toujours difficile d’agir sur la question car « le coût de l’action est immédiat et les bénéfices ou les inconvénients de l’inaction sont hypothétiques et futurs » pense-t-on. Futur c’est certain, hypothétiques sûrement pas.

Pour cette conférence, Il s’agit de s’accorder sur une baisse des émissions de gaz à effet de serre pour ne pas dépasser un réchauffement global de plus de 2°C avant la fin du siècle. Déjà, nous pouvons objecter que cette limite est contestable puisque la pente actuelle est plutôt autour de 3°C et que les conséquences se font déjà sentir à partir de 1°C sur la biodiversité et sur notre avenir (disparition de 25 à 50 % de la biodiversité si on monte à 3°C). Nous sommes déjà, de plein pied dans l’anthropocène, terme choisi par les scientifiques pour désigner la période qui a débuté au moment où les activités humaines ont provoqué un impact global significatif sur l’écosystème terrestre.

La Cop 21 qu’es aquò ?

Le terme COP signifie « conference of the parties ». La conférence de Paris sera la 21ème. Pour comprendre les enjeux, il est nécessaire de faire un détour historique car de la conférence de Stockholm, au rapport Brundtland, en passant par le protocole de Kyoto, les négociations internationales sur le climat ont toujours été semées d’embûches.

Le club de Rome voit sa création en 1968 et se fait connaître avec le rapport « stop à la croissance » rédigé par des chercheurs du MIT (les époux Meadows, Rander et Behrens). La première conférence sur le climat à lieu à Stockholm en 1972. Elle adopte une déclaration de principe et élève l’environnement au rang de problème mondial. En 1987, la Commission mondiale sur l’environnement et le développement de l’ONU publie un rapport officiellement intitulé « Notre avenir à tous » (on parle de rapport Brundtland) qui fixe la définition d’un développement durable.

Dans la foulée, le Groupe International sur la Changement Climatique ouvert à tous les pays de l’ONU est créé. Il doit évaluer scientifiquement l’impact de l’homme sur le changement climatique, mesurer les risques et proposer des stratégies d’adaptation.

En 1992 a lieu la conférence de Rio aussi appelé Sommet de la Terre. Elle rassemble 182 États pour débattre de l’avenir de la planète. Le concept de développement durable y est promu pour décrire le chemin à emprunter pour répondre aux besoins du présent sans hypothéquer ceux du futur. La plupart des pays adoptent le principe d’Agenda 21 (agenda pour le 21ème siècle). On peut le résumer en un catalogue d’actions (40 chapitres et 2500 recommandations) pour sauvegarder notre avenir.

En 1997, le protocole de Kyoto est signé lors de la COP3. Il fixe des objectifs contraignants et des délais pour réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES). Chaque pays prévoit une variation de ses émissions (entre -8 % et + 10 % en fonction du niveau de développement) par rapport aux émissions mesurées en 1990. L’accord laisse une certaine latitude dans la manière d’atteindre son objectif propre mais la signature effective n’a lieu qu’en 2005 et fixe des engagement jusqu’en 2012.

En 2001, les Accords de Bonn et Marrakech résultent des négociations des COP6 et 7. Ils cadrent les obligations des pays développés et les aides aux pays en voie de développement pour permettre la ratification du Protocole de Kyoto et sa mise en œuvre. Le protocole de Kyoto entre en vigueur en 2005 mais seuls 55 pays représentant à peine plus de la moitié des émissions de GES le signent. Est alors mis en place le marché international du commerce de carbone, le mécanisme de développement propre et la mise en place du Mécanisme de développement propre (marché du carbonne).

En 2009, durant la COP15, l’accord de Copenhague introduit la limite de 2°C et alerte sur l’impératif de tenir cette limite.

En 2011, suite à la COP17 , les Accords de Durban prévoient un protocole de négociation sur les engagements après 2020 date d’arrêt des engagement du protocole de Kyoto qui a été prolongé.

L’an dernier, La COP 20 de Lima insiste sur la nécessité d’aller plus loin dans les engagements des pays et propose un document préparatoire au futur accord de Paris.

L’Accord de Paris (si la conférence est un succès) doit entrer en vigueur en 2020, et prendre la suite du protocole de Kyoto, dont la première période d’engagement s’est achevée en 2012. Il doit intégrer un certain nombre de piliers, tels que l’atténuation de l’impact de nos économies (la réduction des gaz à effet de serre), l’adaptation des pays (aux changements de température et à leurs conséquences), le financement à hauteur de 100 milliards par an d’ici 2020 d’une lutte contre le réchauffement climatique et pour l’émergence de solutions, les transferts de technologies entre pays signataires.

Est-ce suffisant ?

les experts du Climat Action Tracker(CAT) sont pessimistes. A ce jour 56 pays ont rendu leur copie sur des engagements. Ces pays représentent à eux seuls 65% des émissions mondiales de gaz à effet de serre. Or, selon le CAT, seuls 3 pays, l’Ethiopie et le Maroc et le Gabon, sont dans les clous. Quinze autres dont les pays de l’Union européenne, sont considérés comme faisant des propositions «moyennes» et enfin, pour sept d’entre eux dont le Canada, l’Australie la Corée du sud ou encore la Russie, les engagements sont purement et simplement jugés «inadéquats».

Pourquoi est-ce grave ?

Parce que le climat se dérègle beaucoup plus vite que prévu. Prenons un exemple actuel. Nous voyons affluer des réfugiés de Syrie car le pays s’est effondré. On pense souvent que la cause en est uniquement politique ou religieuse. Faux, nous dit Pablo Servigne. « C’est la conséquence de sécheresses graves qui ont touché le pays de 2007 à 2010». Il considère que cette vague de réfugiés n’est pas une crise mais le début d’un grand mouvement planétaire lié à un effondrement global.

Citant Jared Diamond ou Karl W. Butzer, Pablo Servigne montre que «si les conditions climatiques ne sont pas les seules (il y a aussi la fragilité de l’Etat et l’incurie des élites), elles aggravent les conséquences et précipitent les effondrements». En reprenant, le rapport Meadows actualisé en 2012, Servigne explicite son livre « comment tout peut s’effondrer » coécrit avec Raphaël Stevens : nous avons dépasser un certains nombre de limites qui rendent tout retour à l’équilibre impossible. L’effondrement est déjà là. Celui-ci est trop avancé pour être corrigé. D’autant qu’il existe plusieurs foyers d’effondrement qui interagissent. Tout d’abord la débâcle financière, qui sera la plus rapide à arriver dans le temps. Steve Keen ou d’autres documentent cette inquiétude. Ensuite, la déroute économique probable due à l’épuisement des ressources énergétiques et minérales mondiales que l’on peut retrouver dans les rapports de Benoit Thévard ou dans le livre de Philippe Bihouix (« l’âge des Low tech »). On notera aussi les nombreux livres ou articles autour de l’absence de croissance dans le futur (Gordon, Artus « croissance zéro », Cohen « le monde est clos et le désir infini ») et « la disparition de l’emploi » (Jorion). C’est le signe d’une prise de conscience. On peut imaginer les conséquences sur nos économies basées sur la croissance. Sans croissance, pas de remboursement de la dette, destruction d’emploi et impossibilité de maintenir les solidarités. Enfin, le dérèglement climatique qui détruit les lieux de vie et les équilibres locaux. Ils seront meurtriers et jetteront sur les routes du monde des migrants à la recherche d’un avenir.

 

Le monde intellectuel et la société civile réagissent.

Cela peut paraître anecdotique mais l’encyclique du pape François « Laudate si » montre que toutes les strates de la société commencent à se préoccuper de ces questions. D’ailleurs ce texte sur « la maison commune » est formidablement construit en dehors de sa signification religieuse que l’on partage ou pas. Ensuite, des initiatives voient le jour. Un appel de la société civile accompagne la publication du livre Crime climatique stop!, co-écrit par plusieurs personnalités dont Desmond Tutu, prix Nobel de la paix en 1984, le climatologue Jean Jouzel, vice-président du Giec, colauréat du prix Nobel de la paix en 2007, ou encore la journaliste Naomi Klein. L’objectif est de contraindre gouvernements et entreprises à renoncer à l’exploitation de 80 % de toutes les réserves de carburant fossile. Christophe Bonneuil, promoteur de l’initiative illustre la nécessite d’agir avec une comparaison forte : « A la fin du XVIIIe siècle, on pensait que l’esclavage était indispensable à la croissance économique et on ne se posait pas la question des conséquences morales. Puis l’esclavage a été dénoncé et puni par le droit. Nous avons besoin du même sursaut moral. »
Loïc STEFFAN