Traduction Patrick SOULIGNAC – Loïc STEFFAN
Motesharrei et al. / Ecological Economics 101 (2014) 90–102
Safa Motesharreia,*, Jorge Rivasb, Eugenia Kalnayc
a Faculté de Politiques Publiques et Département de Mathématiques, Université du Maryland; et Centre National de Synthèse Socio-Environnementale (SESYNC)
b Département de Science Politique, Université du Minnesota; et Institute de Société et Environnement Global (IGES)
c Département de Science Atmosphérique et Océanique et Institut de Science Physique et Technologie, Université du Maryland
* Auteur correspondant. Adresses e-mail : ssm@umd.edu (S. Motesharrei), jorgerodrigorivas@gmail.com (J. Rivas), ekalnay@atmos.umd.edu (E. Kalnay).
* Auteur correspondant. Adresses e-mail : ssm@umd.edu (S. Motesharrei), jorgerodrigorivas@gmail.com (J. Rivas), ekalnay@atmos.umd.edu (E. Kalnay).
Mots-clés:
Dynamique homme-nature
Effondrement sociétal
Capacité porteuse
Dépassement contre soutenabilité
Inégalités économiques
Pression écologique
http://dx.doi.org/10.1016/j.ecolecon.2014.02.014
0921-8009 © 2014 The Authors. Published by Elsevier B.V. Open access under CC BY license.
Traduction Patrick SOULIGNAC - Loïc STEFFAN Open access under CC BY license. Accéder au pdf HANDY-Fr-PS-LS Note de traduction : Nous avons choisi de traduire le terme commoner par citoyen pour le faire correspondre à la variable.le terme exact est roturier. Il faut entendre le terme citoyen au sens de personne appartenant au peuple. La présente traduction est validée par les auteurs.
Résumé
Une préoccupation répandue affirme que la tendance actuelle de l’exploitation des ressources n’est pas soutenable, mais la possibilité même d’un dépassement/effondrement demeure l’objet de controverses. Les effondrements se sont produits fréquemment dans l’histoire, souvent suivis par des siècles de déclin économique, intellectuel et démographique. De nombreux phénomènes naturels ou sociétaux ont été évoqués pour expliquer ces effondrements particuliers, mais les explications générales demeurent évasives.
Dans cet article, nous avons conçu un modèle dynamique des populations humaines en additionnant les richesses accumulées et les inégalités économiques sur la base d’un modèle prédateur-proie concernant les humains et la nature. La structure du modèle et les scénarii simulés, qui offrent des implications significatives, sont explicités. Quatre équations décrivent l’évolution des Élites, des Citoyens, de la Nature et de la Richesse. Le modèle montre que la stratification économique ou la pression écologique peuvent conduire indépendamment à un effondrement, en accord avec les données historiques.
La mesure de la « capacité porteuse » a été développée et son estimation s’est révélée être un moyen pratique pour la détection précoce d’un effondrement. Les mécanismes qui conduisent aux deux types d’effondrement sont discutés. Les nouvelles dynamiques de ce modèle permettent aussi de reproduire les effondrements observés durant l’histoire. L’effondrement peut être évité, et la population peut atteindre un point d’équilibre au maximum de la capacité porteuse de la nature, si le taux d’épuisement de celle-ci est réduit à un niveau soutenable et si les ressources sont réparties équitablement.
1. Introduction
Une préoccupation répandue affirme que la tendance actuelle de l’exploitation des ressources n’est pas soutenable, mais la possibilité même d’un dépassement et effondrement demeure peu claire et controversée. Quelle est la réalité de la possibilité d’un effondrement ? Des sociétés complexes et avancées peuvent-elles réellement s’effondrer ? Il est usuel de dresser le portrait de l’histoire de l’humanité comme un progrès incessant et inévitable vers des niveaux croissants de complexité sociale, d’organisation politique et de spécialisation économique avec le développement de technologies plus avancées et capable de supporter une population toujours plus importante, le tout soutenu par la mobilisation toujours plus forte de matières premières, d’énergie et d’information. Pourtant, ce n’est pas inéluctable. Dans les faits, cette tendance quasi universelle à long terme a régulièrement été gravement perturbée par des effondrements soudains, qui durent parfois des siècles. Une brève recension de quelques exemples d’effondrements suggère que le processus d’expansion-et-effondrement est en fait un cycle récurrent que l’on retrouve tout au long de l’histoire, rendant nécessaire d’établir une explication plus générale de ce processus (Chase-Dunn et Hall, 1997 ; Goldstein, 1988 ; Meadows et al., 1972 ; Modelski, 1987 ; Tainter, 1988 ; Turchin et Nefedov, 2009 ; Yoffee et Cowgill, 1988).
L’effondrement dramatique de l’Empire Romain (suivi par plusieurs siècles de déclin de la population, de détérioration économique, de régression intellectuelle et de disparition de l’alphabétisation) est bien connu, mais ce ne fut pas le premier cycle d’expansion-et-effondrement en Europe. Avant l’émergence de la civilisation gréco-romaine classique, à la fois la civilisation minoenne et la civilisation mycénienne se sont étendues en atteignant des niveaux très avancés de civilisation, puis se sont effondrées presque totalement (Morris, 2006 ; Redman, 1999). L’histoire de la Mésopotamie, – le berceau de la civilisation, de l’agriculture, de la société complexe et de la vie urbaine – présente une série d’expansions-déclins qui incluent les empires akkadiens, assyriens, babyloniens, achéménide, séleucide, parthe, sassanide, omeyyade et abbasside (Redman et al., 2004 ; Yoffee, 1979). Dans l’Egypte voisine, ce cycle est aussi apparu à plusieurs reprises. En Anatolie et dans la vallée de l’Indus, les civilisations vastes et longtemps prospères hittite et harappéenne se sont complètement effondrées à tel point que leur existence même était inconnue jusqu’à ce que l’archéologie moderne les redécouvre. (Edwards et al., 1971, 1973 ; Jansen et al., 1991 ; Kenoyer, 1998 ; Thapar, 2004). Des cycles similaires d’expansion-effondrement se sont aussi répétés en Inde, plus particulièrement pour les Empires Maurya et Gupta (Edwards et al., 1971, 1973 ; Jansen et al., 1991 ; Kenoyer, 1998 ; Thapar, 2004). L’Asie du Sud-Est a connu « de nombreuses histoires d’effondrement et de régénération qui se chevauchent » sur plus de quinze siècles, et dont l’apogée fut l’Empire Khmer basé à Angkor, qui fut lui aussi dépeuplé et absorbé par la forêt au cours du 15ème siècle (Stark, 2006). L’histoire de la Chine est, tout comme celle de l’Egypte, remplie de cycles répétés d’expansions et d’effondrements, chacun des empires Zhou, Han, Tang et Song étant suivi par un effondrement très important de l’autorité politique et des progrès socio-économiques (Chu et Lee, 1994 ; Lee, 1931 ; Needham et Wang, 1956).Les effondrements ne sont pas cantonnés à « l’ancien monde ». L’effondrement de la civilisation Maya est très connu et fascine le monde entier, à cause à la fois de la nature avancée de la société maya et de la gravité de l’effondrement (Demerest et al., 2004 ; Webster, 2002). Comme Diamond (2005) le dit, il est difficile d’ignorer « la disparition de 90 à 99 % de la population après l’an 800 de notre ère… et la disparition des rois, des calendriers Comptes Longs et des structures politiques complexes et autres institutions ». Dans les proches hautes terres centrales du Mexique, un certain nombre d’États puissants ont également atteint des niveaux élevés de puissance et de prospérité, puis se sont effondrés rapidement. Teotihuacan (la sixième plus grande ville du monde au 7ème siècle) et Monte Alban ne sont que les plus grands de ceux-ci à faire l’expérience d’un effondrement dramatique, avec un déclin de leurs populations d’environ 20-25% par rapport au pic historique en seulement quelques générations (Tainter, 1988).Nous connaissons beaucoup d’autres effondrements, y compris les cultures mississippiennes telles que les Cahokia ou les cultures du Sud-Ouest des États-Unis comme les Pueblo et Hohokam, mais aussi des civilisations andines telles que les Tiwanaku ou encore les civilisations sub-sahariennes, telles que dans le Grand Zimbabwe, tout comme de nombreux effondrements à travers les îles du Pacifique comme pour l’île de Pâques. Il est probable que d’autres effondrements ont également eu lieu dans les sociétés qui n’atteignirent pas à un niveau suffisant de complexité pour produire des documents écrits ou des preuves archéologiques. En effet, une étude récente (Shennan et al., 2013) sur la période néolithique en Europe a montré que « contrairement à l’idée d’une croissance régulière de la population que l’on suppose habituellement, l’introduction de l’agriculture en Europe a été suivie de cycles d’expansion et de récession indiqués par la densité des populations régionales ». En outre « la plupart des régions montrent plus d’un exemple d’expansion-récession », et dans la plupart des régions, des diminutions de la population « de l’ordre de 30-60% » ont été identifiées. Les auteurs font également valoir que, plutôt que le changement climatique ou les maladies, l’effondrement possède des causes endogènes dans 19 des 23 cas étudiés, ce qui suggère la possibilité « de croissance démographique rapide due à une agriculture poussée à des niveaux insoutenables ». En outre, grâce à la décomposition en ondelettes des données archéologiques, S. Downey [communication personnelle] a montré que la durée moyenne de ces cycles d’expansion et de récession est d’environ 300-500 ans. En résumé, malgré l’impression générale que l’effondrement des sociétés est rare, voire purement hypothétique, « l’image qui émerge est celle d’un processus récurent dans l’histoire, qui est mondial dans ses occurrences et sa répartition » (Tainter, 1988). Voir aussi Yoffee et Cowgill (1988), Goldstein (1988), Ibn Khaldun (1958), Kondratieff (1984), et Parsons (1991). Comme Turchin et Nefedov (2009) le soutiennent, il y a une grande robustesse des faits pour penser que « l’hypothèse que les cycles séculaires – oscillations démographiques, sociales et politiques de très longue période (au cours de plusieurs siècles) sont la règle plutôt que l’exception dans les grands états ou empires agraires. »Ceci nous amène à la question de savoir si la civilisation moderne peut connaitre un sort similaire. Il peut sembler raisonnable de croire que la civilisation moderne, armée d’une plus grande capacité technologique, de connaissances scientifiques et de ressources énergétiques, sera en mesure de faire face et de survivre aux crises qui firent succomber les sociétés historiques. Mais le bref aperçu des effondrements démontre non seulement l’omniprésence du phénomène, mais aussi à quel point les sociétés avancées, complexes, puissantes sont sensibles à l’effondrement. La chute de l’Empire Romain, et les tout aussi avancés (sinon plus) empires Han, Maurya et Gupta, ainsi que tant d’autres empires mésopotamiens sont autant de témoignages pour dire que le des civilisations créatives, sophistiquées, complexes peuvent être à la fois fragiles et impermanentes.Un grand nombre d’explications ont été proposées pour chaque cas spécifique d’effondrement, y compris un ou plusieurs des éléments suivants : volcans, tremblements de terre, sécheresses, inondations, changements dans les cours des rivières, dégradation des sols (érosion, épuisement, salinisation, etc.), déforestation, changements climatiques, migrations tribales, invasions étrangères, changements technologiques (telles que l’introduction de la sidérurgie), changements dans les méthodes ou les armes de guerre (telles que l’introduction du cheval de cavalerie, de l’infanterie blindée, ou des épées longues), changements dans la structure des échanges, épuisement de certaines ressources minérales (par exemple, les mines d’argent), déclin culturel et décadence sociale, soulèvements populaires, ou des guerres civiles. Toutefois, ces explications sont spécifiques à chaque cas particulier d’un effondrement plutôt qu’un argument de portée générale. En outre, même pour le cas particulier où l’explication est applicable, la société en question avait généralement déjà connu le phénomène identifié comme la cause sans s’effondrer. Par exemple, la société minoenne avait enduré à plusieurs reprises des tremblements de terre qui ont détruit les palais, et ils les ont tout simplement reconstruit plus splendides qu’auparavant. En effet, de nombreuses sociétés connaissent des sécheresses, des inondations, des volcans, l’érosion des sols, la déforestation, et ce sans perturbation sociale majeure (Tainter, 1988).Cela vaut également pour les migrations, les invasions et les guerres civiles. Les romains, les Hans, les empires assyriens et Maurya étaient, depuis des siècles, complètement hégémoniques militairement, et battirent avec succès les peuples voisins « barbares » qui finirent pourtant par les envahir. Donc, la pression militaire extérieure seule ne constitue guère une explication pour leurs effondrements. Avec à la fois des catastrophes naturelles et des menaces extérieures, l’identification d’un facteur explicatif unique amène à se demander : « oui, mais pourquoi dans ce cas particulier, un facteur a-t-il produit l’effondrement ? » D’autres facteurs explicatifs doivent être sollicités, et, en fait, les conditions politiques, économiques, écologiques et technologiques dans lesquelles les civilisations se sont effondrées ont beaucoup varié. Un effondrement spécifique peut découler d’une série de facteurs spécifiques, avec des déclencheurs particuliers, mais une explication générale reste insaisissable. Les explications individuelles peuvent sembler appropriées au cas par cas mais la nature universelle même du phénomène implique un mécanisme sous-jacent qui ne soit pas spécifique ni à une période particulière de l’histoire humaine, ni à une culture particulière, ni à une technologie donnée, ni à une catastrophe naturelle (Tainter, 1988 ; Turchin 2003 ; Yoffee et Cowgill, 1988).
Dans cet article, nous essayons de modéliser mathématiquement l’effondrement dans une perspective plus générale. Nous proposons un modèle simple, ne visant pas à décrire les cas individuels réels, mais plutôt de fournir un cadre général qui permet la réalisation d’« expériences de pensée » pour comprendre le phénomène de l’effondrement afin de tester des changements pour l’éviter. Ce modèle (appelé HANDY, pour dynamique de l’homme et de la nature) avance, au-delà des modèles existants sur la dynamique biologique des populations, en modélisant simultanément deux caractéristiques distinctes importantes qui semblent apparaître dans de nombreuses sociétés qui se sont effondrées: (1) l’érosion des ressources en raison de la pression exercée sur la capacité porteuse écologique (Abel, 1980 ; Catton, 1980 ; Kammen, 1994 ; Ladurie, 1987 ; Ponting, 1991 ; Postan, 1966 ; Redman, 1999 ; Redman et al., 2004; Wood, 1998 ; Wright, 2004), et (2) la stratification économique de la société entre des Élites et la masse des individus (ou « Citoyens ») (Brenner, 1985 ; Parsons, 1991 ; Turchin, 2005, 2006 ; Turchin et Nefedov 2009 ; Diamond, 2005 ; Goldstone, 1991 ; Ibn Khaldun , 1958). Dans beaucoup de ces cas historiques, nous avons des preuves directes que l’origine écologique du problème et la stratification économique jouent un rôle central dans la spécificité ou dans le processus de l’effondrement (Culbert, 1973 ; Diamond, 2005 ; Goldstone, 1991 ; Lentz, 2000 ; Mitchell, 1990). Pour des raisons empiriques et théoriques expliquées dans la section 3, notre modèle intègre à la fois de ces deux caractéristiques. Bien qu’en apparence similaire au modèle Brander et Taylor (1998) (ci-après dénommée « BT ») en ce sens que HANDY est basé sur le modèle prédateur-proie classique, l’inclusion de deux classes dans la société présente un ensemble beaucoup plus riche de solutions dynamiques, y compris sur les cycles d’effondrement sociétal ou écologique, car il permet la possibilité d’atteindre en douceur un équilibre (qui est la capacité porteuse écologique des écosystèmes). Nous utilisons la notion de Capacité Porteuse dans sa définition biologique: le niveau de la population que les ressources d’un environnement particulier peuvent soutenir sur le long terme (Catton, 1980 ; Cohen, 1995 ; Daly et Farley, 2003). Dans cet article, nous appelons ces ressources de l’environnement « Nature ».
L’article est organisé comme suit : la section 2 donne un aperçu du modèle prédateur-proie; la section 3 expose la description mathématique du modèle HANDY; la section 4 couvre l’analyse des solutions possibles pour atteindre un équilibre; la section 5 présente des exemples de scénarii dans trois types distincts de sociétés; la section 6 aborde une discussion générale sur les scénarii de la section 5; et la section 7 offre un bref résumé de l’article, et des thèmes de recherche et de réflexion pour de futurs travaux.
2. Modèle Prédateur-Proie
Le modèle prédateur–proie, qui est l’inspiration à l’origine de HANDY, a été développé indépendamment par deux mathématiciens, Alfred Lotka et Vitto Volterra, au début du 20ème siècle (Lotka, 1925; Volterra, 1926). Ce modèle décrit la dynamique de compétition entre deux espèces, disons, les loups et les lapins. Le système d’équations fondamentales est :
Dans le système ci-dessus, x représente la population de prédateurs (loups) ; y représente la population de proies (lapins) ; a détermine le taux de natalité des prédateurs, c’est-à-dire la croissance accélérée de la population de loups due à la disponibilité de lapins ; b est le taux de mortalité du prédateur ; c est le taux de natalité de la proie ; d détermine le taux de prédation, c’est-à-dire la proportion dans laquelle les lapins sont chassés par les loups.
Plutôt que d’atteindre un équilibre stable, les populations de prédateurs et de proies montrent des variations périodiques, déphasées, autour des valeurs d’équilibre :
Notez la cohérence des unités entre les termes de droite et de gauche des équations (1) et (2). Une solution typique du système prédateur-proie est présentée en Fig. 1.
Fig. 1. Une solution typique du système prédateur–proie est obtenue en faisant tourner les calculs avec les valeurs suivantes des paramètres et conditions initiales : a=3.0 × 10−5 (lapins·années)−1; b=2.0 × 10−2 années−1, c=3.0 × 10−2 années−1, d = 2.0 × 10−4 (loups·années)−1; x(0) = 1.0 × 10+2 loups ; et y(0) = 1.0 × 10+3 lapins. La population de prédateurs est mesurée en nombre de loups, la population de proies est mesurée en nombre de lapins, et le temps est mesuré en années.
3. HANDY
Comme indiqué plus haut, le modèle dynamique homme-nature (HANDY) a été construit sur le modèle prédateur-proie. Nous pouvons désigner la population humaine comme le «prédateur», tandis que la nature (les ressources naturelles de l’environnement) peuvent être considérées comme la «proie», impactée par la prédation des humains. Dans les modèles animaux, la capacité porteuse génère un plafond sur la population à long terme. Lorsque la population dépasse la capacité porteuse, des mécanismes tels que la famine ou la migration ramènent la population vers le bas. Cependant, dans le contexte des sociétés humaines, la population ne commence pas nécessairement à diminuer lors du passage du seuil de capacité porteuse, parce que, contrairement aux animaux, les humains peuvent accumuler des excédents importants (c’est-à-dire de la richesse), puis puiser dans ces ressources lorsque la production ne peut plus répondre aux besoins de la consommation. Cela introduit un autre type de retard qui permet une dynamique beaucoup plus complexes, qui modifie fondamentalement le comportement et la conclusion du modèle. Ainsi, notre modèle ajoute la variable du surplus accumulé qui n’existe pas dans les modèles destinés aux animaux, mais qui nous semble nécessaire pour les modèles humains. Nous appelons ce surplus accumulé «richesse».Cependant, empiriquement, , ce surplus accumulé n’est pas réparti uniformément dans toute la société, mais est plutôt contrôlé par une Élite. Bien que produisant la richesse, les Citoyens ne se voient attribué qu’une petite partie de celle-ci par les Élites, généralement au niveau ou juste au-dessus du niveau de subsistance. Sur cette base, et à l’aune des cas historiques évoqués dans l’introduction, nous avons séparé la population en «Élites» et «Citoyens», et nous avons introduit une variable pour la richesse accumulée. Pour comprendre cette analyse d’une structure à deux classes de la société moderne, voir Dragulescu et Yakovenko (2001) et Banerjee et Yakovenko (2010). Cela ajoute une dimension différente à la prédation par laquelle les Élites ponctionnent la «proie» qui est la production de la richesse par les Citoyens. En conséquence, HANDY se compose de quatre équations de prédiction: deux pour les deux classes de la population, les Élites et les Citoyens, désignés par xE et xC, respectivement; une autre pour les ressources naturelles ou la nature, y; et un pour la richesse accumulée, w, désigné ci-après par «la richesse». Cet ensemble minimal de quatre équations semble saisir les caractéristiques essentielles de l’interaction homme-nature et est capable de produire les principaux scénarii potentiels d’effondrement ou de transition vers l’état d’équilibre.Un modèle similaire de la dynamique entre population et ressources renouvelables, basé sur le modèle prédateur-proie, a été développé dans le travail de pionnier Brander et Taylor (1998), démontrant ainsi que des valeurs raisonnables des paramètres peuvent produire des cycles «festin et famine» pour la population et les ressources. Leur modèle a montré qu’un système avec une base de ressources qui croît lentement s’expose à un dépassement et à un effondrement alors qu’un accroissement plus rapide des ressources produira un ajustement de la population et des ressources vers des valeurs d’équilibre. Ils ont ensuite appliqué ce modèle au cas historique de l’île de Pâques, constatant que le modèle fournit une explication plausible de la dynamique des populations connues à propos de l’île de Pâques à partir des données archéologiques et scientifiques. Ils soutiennent donc que les cas polynésiens où la population s’est effondrée étaient liés à un stock plus faible de ressources maximales (qu’ils appellent «capacité porteuse») qui ont progressé plus lentement, alors que les cas qui n’ont pas connu un tel effondrement résistèrent en raison d’un stock de ressources plus important (c’est-à-dire une capacité porteuse plus importante). Ils supposent alors que leur modèle pourrait être compatible avec d’autres cas historiques d’effondrement, comme les anciennes civilisations mésopotamiennes et Maya, ou encore le Rwanda moderne.Toutefois, l’approche BT modélise uniquement la population et la nature et ne comprend pas un élément central de ces cas historiques: la stratification économique et l’accumulation de richesses. Ainsi, en dépit des preuves claires de l’existence d’une structure de classe stratifiée dans l’histoire de l’île de Pâques avant l’effondrement (ainsi que pour la Mésopotamie, les anciens Mayas, et le Rwanda moderne), le modèle BT n’intègre pas la stratification de classe comme un facteur explicatif. Dans leur modèle, la société produit et consomme comme une unité homogène unique. Nous pensons qu’une modélisation historiquement réaliste de l’évolution de la dynamique homme-nature dans ces sociétés complexes et stratifiées ne peut être atteint sans inclure cette stratification de classe dans le modèle. Brander et Taylor reconnaissent que leur modèle est simple, et que l’application à des scénarii plus complexes peuvent nécessiter la poursuite du développement de la structure du modèle. Nous avons constaté que l’introduction de la stratification économique, sous la forme d’Élites et de Citoyens, ainsi que l’accumulation de richesses produit des résultats plus variés et des solutions plus riches, ce qui peut mener à avoir des implications plus larges pour analyser différents types de sociétés. La structure HANDY permet également d’expliquer des effondrements «irréversibles», sans rendre nécessaire l’introduction d’un mécanisme de compensation critique explicite dans le modèle, contrairement à ce que d’autres modèles doivent faire. Ainsi, alors que le modèle Brander-Taylor n’a que deux équations, HANDY a quatre équations pour prédire l’évolution des populations riches et des populations pauvres (Élites et Citoyens), Nature et Richesse accumulée (nous examinons d’autres différences dans la section 6.4 du document). Le modèle HANDY d’équations est résumé par:
Il faut remarquer que , αE, CC, et CE sont tous des fonctions de w, xC, and xE. Voir Eqs. (4) et (6) et Fig. 2a et b.
3.1. Description du modèle
La population totale est divisée en deux variables, xC et xE, qui représentent les populations des Élites et des Citoyens. Les populations s’accroissent à travers un taux de natalité β et un taux de mortalité α. β est supposé constant à la fois pour les Élites et les Citoyens, mais α dépend de la richesse comme nous l’expliquons ci-dessous.
Dans la réalité, les ressources naturelles existent sous trois formes : les stocks non renouvelable (énergies fossiles, réserves de minéraux, etc.), les stocks qui se reconstituent (forêts, sols, troupeaux d’animaux, réserves halieutiques, animaux de compagnies, réserves aquifères, etc.) et les flux renouvelables (vent, rayonnement solaire, précipitation, rivières, etc.). Les prochaines générations de ce modèle sépareront ces ressources. Nous avons retenu une formulation unique qui agrège ces trois formes de ressources pour permettre une compréhension claire du rôle que jouent les ressources naturelles dans l’effondrement ou la soutenabilité des sociétés humaines.
Ainsi , l’équation pour la nature comprend un terme de régénération, γy ( λ – y), et un terme d’épuisement, -δxCy. Le terme de régénération a été écrit sous la forme d’une équation logistique, avec un facteur de régénération, γ, reprise exponentielle pour les faibles valeurs de y, et phénomène de saturation lorsque y approche λ, la capacité de la nature – taille maximale de la nature en l’absence d’épuisement. En conséquence, le taux maximal de régénération a lieu quand y = λ / 2. La production respecte les formulations de l’économie écologique standard comme impliquant des inputs depuis la nature et des outputs vers la nature (c’est-à-dire l’exploitation des ressources naturelles et la pollution des réservoirs de ressources naturelles) (Daly , 1996; Daly et Farley, 2003). Cette première génération de modèles HANDY modélise la partie de l’équation concernant l’exploitation de la nature comme incluant la réduction de la Nature due à la pollution. Le terme qui concerne l’exploitation comprend un taux d’exploitation par travailleur , δ , qui est proportionnel à la fois la taille de la réserve naturelle concernée et au nombre de travailleurs. Cependant , l’activité économique des Élites est modélisée pour représenter la direction, la gestion, et les fonctions de contrôle, mais pas l’engagement dans l’extraction directe des ressources, ce qui est fait par les Citoyens. Ainsi, seuls les Citoyens sont censés produire.On affirme souvent que le changement technologique peut réduire l’épuisement des ressources et donc augmenter la capacité porteuse. Cependant, les effets des changements technologiques sur l’utilisation des ressources ne sont pas unidirectionnel. Le changement technologique peut augmenter l’efficacité de l’utilisation des ressources, mais il a aussi tendance à augmenter à la fois la consommation par habitant des ressources et l’ampleur de l’extraction des ressources, de sorte que, en l’absence des effets d’une politique réelle, les augmentations de la consommation compensent souvent l’efficacité accrue de l’utilisation des ressources. Ceux-ci sont associés aux phénomènes dénommés Paradoxe de Jevons ou «effet rebond» (Greening et al., 2000;. Polimeni et al, 2008; Ruth, 2009). Par exemple, une augmentation de l’efficacité énergétique d’un véhicule se traduit par une augmentation des kilomètres parcourus, des voitures plus lourdes et des vitesses moyennes plus élevées qui annihilent les gains découlant de l’efficacité énergétique accrue. En outre, les progrès technologiques peuvent permettre une plus grande extraction de ressources et un débit plus élevé, qui apparaissent alors comme des augmentations pour la productivité des autres facteurs de production. Comme Daly le souligne, une grande partie de l’augmentation de la productivité dans l’agriculture et dans l’industrie au cours des deux derniers siècles, vient d’une augmentation (plutôt que d’une baisse) du débit des ressources (Daly, 1991). On considère généralement qu’une baisse du prix d’une ressource reflète une augmentation de l’abondance de cette ressource, mais en fait, il signifie souvent que la ressource est simplement extraite plus rapidement. Cela réduit la capacité porteuse au lieu de l’étendre. Sur le long terme et par habitant, l’utilisation des ressources a eu tendance à augmenter au fil du temps malgré les progrès technologiques spectaculaires dans l’efficacité de l’usage des ressources. De ce fait, l’ampleur et la direction de l’effet des changements technologiques sur l’utilisation des ressources varie et le résultat global est difficile à prédire. Par conséquent, dans cette génération de HANDY, nous supposons que les effets de ces tendances se neutralisent mutuellement. Le modèle sera développé afin de permettre que les tendances induites par la technologie s’ajustent dans les deux sens.Enfin, il y a une équation pour la richesse accumulée, qui augmente avec la production, δxCy, et diminue avec la consommation des Élites et les Citoyens, CC et CE respectivement. La consommation des Citoyens (aussi longtemps qu’il y a suffisamment de richesse pour les payer) est SXC, un salaire de subsistance par habitant, s, multiplié par la population active. Les Élites se versent un salaire κ fois plus grand, de sorte que la consommation des Élites devient κsxE. Toutefois, lorsque la richesse devient trop faible pour payer un salaire, à savoir, lorsque w < wth, le paiement est réduit et finalement stoppé, et la famine survient, avec un taux de mortalité beaucoup plus élevé. κ est ici censé représenter les facteurs qui déterminent la division de l’output de la production totale de la société entre les Élites et les masses, en fonction du pouvoir respectif des classes que sont les Élites et les Citoyens, et de la capacité de chaque groupe à organiser la poursuite leur intérêt économique. Nous sommes conscients des limites inhérentes à cette première génération de notre modèle pour maintenir cet équilibre (κ) constant dans chaque scénario, mais nous souhaitons développer κ plus finement dans les générations ultérieures de HANDY afin qu’il puisse être déterminé de manière endogène par d’autres facteurs dans le modèle.
CC et CE, les taux de consommation respectifs des Élites et des Citoyens, sont donnés par les équations suivantes :
Le seuil de richesse, wth , est une valeur de la richesse au-dessous de laquelle la famine commence. Cela dépend de la « consommation minimale requise par habitant », ρ :
Même lorsque les Citoyens commencent à ressentir la famine, à savoir, lorsque w ≤ wth, les Élites continuent de consommer de façon inégale, comme le stipule le κ dans le second terme du côté droit de l’équation . (5). Une représentation graphique des taux de consommation est donnée à la Fig. 2a .
Les taux de mortalité des Citoyens et des Élites, αC et αE,, sont des fonctions issues du taux de consommation :
Les taux de mortalité varient entre une valeur normale (saine), αm, observée quand il y a suffisamment de nourriture pour leur subsistance, et une valeur maximale (de famine), αM, qui prévaut lorsque la richesse accumulée a été utilisée et que la population est affamée. Il existe une variété de mécanismes qui peuvent réduire la population quand elle dépasse la capacité porteuse, comme l’émigration, une sensibilité accrue aux maladies ou une famine sévère qui génère des troubles sociaux, tels que le banditisme, les émeutes, les rébellions, les révolutions et les guerres.
a) Taux de consommation dans HANDY
b) taux de mortalité dans HANDY
Fig. 2. Les taux de consommation per capita et les taux de mortalité pour les Élites et les Citoyens en fonction de la richesse. La famine commence lorsque C / sx ≤1 . Par conséquent, les Citoyens commencent à éprouver la famine lorsque w / wth ≤1 , tandis que les Élites ne la connaissent pas tant que w / wth ≤ 1/κ. Ce décalage s’explique par l’accès inégal des Élites à la Richesse.
Ces mécanismes sont décrits en détail dans Turchin (2003) mais l’effet net de chacun d’entre eux est une réduction de la population, qu’illustre notre modèle quand nous parlons de « déclin de la population » ou de « famine ». Notons également que l’augmentation des taux de mortalité (α) est équivalent à une diminution symétrique des taux de natalité (β). Le taux de mortalité αC et αE peut aussi être exprimé en termes w/wth, dont la représentation graphique est donnée dans la Fig. 2b.
3.2. Note sur les unités et dimensions
Il y a trois dimensions pour les valeurs dans HANDY :
- La Population (qu’il s’agisse d’Élites ou de Citoyens), s’exprime en individus.
- La Nature/Richesse s’exprime en “éco-Dollars”.
- Le Temps s’exprime en années.
La structure du modèle requiert d’exprimer la Nature et la Richesse avec la même unité de mesure et c’est pourquoi nous avons créé l’unité éco-dollar. Les autres paramètres et fonctions du modèle comportent des unités compatibles avec les dimensions mentionnées ci-dessus en fonction de l’équation. (3) Par exemple la capacité porteuse χ et le capacité porteuse maximale χM, définies à la section 4.1, sont toutes deux exprimées en individus.
4. Valeurs d’équilibre et capacité porteuse
Nous pouvons utiliser le modèle pour trouver un équilibre soutenable et la capacité porteuse maximale dans différents types de sociétés. Pour que la population atteigne un équilibre, nous devons avoir αm ≤ βE ≤ βC ≤ αM. Nous définissons un paramètre adimensionnel, η :
Étant donné que nous supposons αm ≤ βC ≤ αM, η sera toujours compris entre 0 ≤ η ≤ 1.
4.1. Equilibre quand xE = 0 (pas d’Élites) : société égalitaire
En prenant xE ≡ 0, nous pouvons déterminer les valeurs d’équilibre du système (l’indice “e” dénote les valeurs d’équilibre) :
Nous définissons χ, la capacité porteuse pour la population, comme étant égale à xC,e dans Eq. (8), c’est-à-dire la valeur d’équilibre de la population en l’absence d’Elites :
La capacité porteuse peut être maximisée si le taux de régénération de la Nature est maximal, c’est-à-dire si ye = λ/2. Ceci suppose que δ soit égal à une valeur δ* qui peut résulter en un état stationnaire avec une population maximale (soutenable), ce que dans cet article nous appelons la valeur «optimale» de δ. A partir de la seconde équation dans Eq. (8), on peut montrer que δ* est donné par :
La capacité porteuse maximale, χM, est ainsi donnée par :
4.2. Equilibre quand xE ≥ 0 et κ=1 (pas d’inégalités): société équitable
Si nous prenons κ ≡ 1 et βE ≡ βC ≡ β, nous pouvons atteindre un état d’équilibre pour lequel xE ≥ 0. Ce cas modélise une société équitable de “travailleurs” et “non-travailleurs”. Nous avons besoin d’un paramètre libre sans dimension ϕ qui établit le ratio initial des non-Travailleurs aux Travailleurs :
Les valeurs d’équilibre du système peuvent alors être exprimées comme suit :
La population totale xe=xC,e+xE,e peut encore être maximisée en choisissant δ de façon appropriée :
Ce δ** est plus grand que le facteur d’exploitation optimal donné par Eq. (10). La différence provient de ce que les travailleurs doivent produire davantage de richesse qu’ils n’en ont besoin pour eux seuls, afin de prendre en charge les non-Travailleurs. Pour ce choix de δ, la population totale est donnée par :
Comme on peut le voir dans Eq. (15), la population maximum totale à l’équilibre est indépendante de ϕ et se conforme à la capacité porteuse maximale donnée plus haut dans Eq. (11).
4.3. Equilibre quand xE ≥ 0 et κ > 1: société inégalitaire
Il est possible d’atteindre l’équilibre dans une société inégalitaire si nous pouvons satisfaire la condition suivante :
(La condition générale αm ≤ βE ≤ βC ≤ αM doit toujours être respectée dans tous les cas pour qu’un équilibre soit possible)
Les valeurs d’équilibre dans ce cas général peuvent être exprimées comme suit :
Le paramètre libre, ψ, est le rapport d’équilibre xE,e/xC,e, apparent dans la seconde équation de Eq. (17). Au contraire de ϕ, ψ ne peut pas être aisément relié aux conditions initiales ; il peut en revanche être déterminé à partir des résultats d’une simulation.
A nouveau, la population totale xe = xC,e + xE,e peut être maximisée en choisissant δ de façon appropriée :
Le taux d’exploitation des ressources requis δ*** peut être encore plus grand que le δ optimal donné par l’Eq. (14) en fonction des valeurs de κ et ψ. En présence d’inégalités, la population totale maximum n’est plus indépendante de κ et ψ et est plus faible que la capacité porteuse maximum donnée par les équations (11) and (15) :
5. Scenarii
Nous discutons trois séries de scénarii :
- Société égalitaire (pas d’Élites): scénarii dans lesquels xE =0.
- Société équitable (avec des travailleurs et des non-travailleurs): scénarii dans lesquels xE ≥ 0 mais κ ≡ 1.
- Société inégalitaire (avec Élites et Citoyens): scénarii dans lesquels xE ≥ 0 et κ > 1.
Pour l’ensemble de ces scénarii, nous démarrons le modèle avec des valeurs typiques des paramètres et des conditions initiales indiquées dans le tableau 1, sauf indication contraire.Comme indiqué ci-dessus, les valeurs de κ et xE(0) déterminent le type de la société. Au sein de chaque type de société, nous obtenons différents scénarii en faisant varier le facteur d’exploitation des ressources, δ.Dans cette section, nous allons montrer que HANDY est capable de modéliser trois types distincts de sociétés en changeant κ and xE(0). Un équilibre durable peut être trouvé pour chaque société en contrôlant δ . Un choix approprié de δ permet de trouver un équilibre optimal, à savoir, une valeur de la population totale maximale. L’augmentation de δ au-dessus de sa valeur optimale rend l’approche vers l’équilibre oscillatoire. Un tel équilibre est sous-optimal, et la capacité porteuse est inférieure à sa valeur maximale théorique, χM . Il est également possible d’atteindre un équilibre sous-optimal (une population inférieure au maximum théorique, mais durable) en rendant δ inférieur à sa valeur optimale.
En revanche, dans ce dernier cas, l’approche vers l’équilibre se fera par un atterrissage en douceur plutôt qu’une oscillation vers l’équilibre. Lorsque δ augmente trop la société connait des cycles de prospérité et d’effondrement. L’augmentation de δ au-delà d’un certain niveau se traduit par un effondrement irréversible (complet) de type-N, dont des exemples sont présentés dans les sections 5.1.4, 5.2.4, et 5.3.2. Nous établirons une typologie ou catégorisation complète des effondrements dans les deux paragraphes suivants.
Le paramétrage du modèle en différents scénarii produit deux types d’effondrement, soit en raison de la pénurie de main-d’œuvre (suite à une famine en raison des inégalités), soit en raison de l’insuffisance de nature (épuisement des ressources naturelles). Nous appelons le premier cas effondrement Type-L (disparition du travail) et le deuxième effondrement Type-N (épuisement de la nature). Dans l’effondrement Type-L, la croissance de la population des Élites réduit la disponibilité des ressources pour les Citoyens. Cela provoque le déclin de la population des Citoyens (qui effectuent le travail), et par conséquence le déclin de la richesse. Ensuite la population des Élites dégringole à cause de l’absence de moyens de subsistance, c’est-à-dire la richesse, a disparu. Voir Fig. 6a par exemple pour un effondrement Type-L. Cela pourrait représenter le cas historique de la disparition de la civilisation Maya dans le Yucatan. Notez que ce type d’effondrement ne peut survenir que dans les sociétés inégalitaires car sa cause principale est l’inégalité.
D’autre part un effondrement de Type-N commence par un épuisement de la nature, suivi d’une baisse de la richesse qui, à son tour, provoque une baisse des populations des Citoyens puis des Élites. Selon le niveau d’exploitation des ressources, les effondrements de Type-N peuvent être « réversibles » ou « irréversibles ». Après un effondrement réversible, la régénération de la nature peut déclencher un autre cycle de prospérité, dont des exemples peuvent être observés sur les Figs. 3c et 4c. Cela pourrait correspondre aux cas historiques des effondrements grecs et romains.
Quand l’épuisement est poussé au-delà d’une certaine limite, la nature s’effondre totalement, et le système s’effondre entièrement par la suite. Voilà pourquoi nous qualifions un effondrement irréversible de Type-N d’effondrement «complet». Des exemples de tels effondrements sont observables sur les Figs. 3d, 4d, et 6b. Il pourrait s’agir du cas historique de l’Île de Pâques. Les effondrements de Type-N peuvent arriver à cause d’une exploitation excessive des ressources (Figs. 3d and 4d) ou quand on conjugue une trop grande exploitation des ressources et de trop grandes inégalités (Fig. 6b).
Il est important de comprendre l’interaction entre le facteur d’appauvrissement, δ, et la capacité porteuse, χ. Plus δ s’éloigne de sa valeur optimale, plus χ recule par rapport à sa valeur maximale, χM. Un équilibre peut être atteint que si et seulement si χ ne s’éloigne pas trop loin de la valeur χM, ce qui signifie que δ ne doit pas trop s’éloigner de sa valeur optimale, donnée par les Eqs. (10), (14) et (18) pour les trois types de sociétés considérées. Notons que dans les résultats de tous les scénarii présentés ci-dessous (pour les trois types de sociétés étudiées), la capacité porteuse (χ) et le maximum de capacité porteuse (χM) sont calculés respectivement à partir de leurs définitions Eqs. (9) and (11).
Remarque importante concernant les unités de l’axe des ordonnées de tous les graphiques suivants : les populations de Citoyens xC et Élites xE , et la capacité porteuse, χ, sont toutes normalisées par rapport à la capacité porteuse maximale, χM. La Nature et la Richesse sont toutes les deux en unités de la capacité de la Nature, λ. L’échelle supérieure de l’axe des ordonnées du graphique se rapporte à la population(s) et à la capacité porteuse ; l’échelle du milieu se rapporte à la Nature qui (normalement) reste limitée par 1λ; et l’échelle inférieure est pour la Richesse.
Note: Toutes les simulations ci-dessous utilisent la méthode d’intégration d’Euler avec un pas de 1 an.
Table 1
Description des paramètres et des variables d’état utilisées dans HANDY. κ , δ et xE sont modifiés pour étudier divers scénarii dans trois types de sociétés différentes . xE= 0 définit une société égalitaire sans Élites. κ = 1 définit une société équitable avec des Travailleurs et des non-Travailleurs, représentés respectivement par xC et xE dans ce cas. xE ≥ 0 et κ > 1 définissent une société inégalitaire avec les Élites et les Citoyens (xE and xC). À titre de référence, toutes les autres variables et fonctions dans HANDY sont également énumérés ci-dessus. Partout dans cet article, l’indice e représente la valeur d’équilibre.
(a). Liste des paramètres dans HANDY. κ et δ prennent des valeurs différentes pour divers scénarii.
(b). Liste des variables d’état dans HANDY. xE(0) prend différentes valeurs pour différents scénarii.
Table 2
À titre de référence , toutes les autres variables et fonctions dans HANDY sont répertoriés dans ce tableau. Partout dans cet article, l’indice e représente la valeur d’équilibre.
Société Égalitaire : atterrissage en douceur vers un équilibre optimal
a) Atterrissage en douceur vers un équilibre optimal quand la population des Élites (indiquée en rouge) vaut zéro. La population finale atteint la capacité porteuse, qui est à sa valeur maximale, χM, dans ce scénario.
Société Égalitaire : approche oscillatoire vers l’équilibre
b) Approche oscillatoire vers l’équilibre quand la population des Élites (indiquée en rouge) vaut zéro. La population finale converge vers la capacité porteuse qui est inférieure à la valeur maximale, χM, dans ce scénario.
Société Égalitaire : Cycles de prospérité puis d’effondrements réversibles Type-N
c) Cycles de prospérité, dépassement, effondrement(Type-N réversible), puis renouvellement quand la population des Élites (indiquée en rouge) vaut zéro.
Société Égalitaire : effondrement irréversible Type-N (complet)
d) effondrement irréversible de Type-N (complet) quand la population des Élites (indiquée en rouge) vaut zéro. Toutes les variables d’Etat s’effondrent jusqu’à zéro dans ce scénario à cause d’une sur-exploitation des ressources.
Fig. 3. Résultats expérimentaux pour une société égalitaire.
5.1. Société Égalitaire (pas-d’Élites): xE=0
Dans les quatre scénarii suivants, κ ne joue aucun rôle étant donné que nous avons fixé xE ≡ 0. Nous initialisons le taux d’exploitation des ressources avec δ = δ∗, valeur optimale d’équilibre qui maximise la capacité porteuse, puis nous l’augmentons lentement pour obtenir des scénarii supplémentaires. La ligne rouge horizontale dans les graphiques pour quatre scénarii de cette section représente la population avec zéro Élites.
5.1.1. Société Égalitaire : Atterrissage en douceur vers l’équilibre.
Pour ce scenario dans la Fig. 3a, δ=δ∗=6.67×10−6. Par conséquent, la capacité porteuse est à son niveau maximum χM. Remarquons que la Nature se stabilise à ye=λ/2, qui est la valeur qui conduit au taux de régénération maximum. Cette régénération maximale peut soutenir un taux maximum d’exploitation soutenable des ressources, et la population maximale.
Si nous paramétrons δ < δ*, nous pouvons toujours observer un atterrissage en douceur vers la capacité porteuse, χ. Cependant, χ sera à un niveau inférieur à χM car un niveau sous-optimal de δ ne correspond pas au maximum de régénération de la nature, ce qui est nécessaire si nous voulons avoir la population soutenable maximum. L’avantage d’une valeur de δ plus basse que l’optimum est d’obtenir un niveau d’équilibre supérieur (en comparaison avec λ / 2) pour la Nature.
Choisir un taux d’épuisement, δ, qui est trop petit pour produire suffisamment pour nourrir la population conduit à un effondrement, et ceci rend n’importe quel équilibre impossible même si la Nature demeure à sa capacité maximale. Ceci ne devrait pas se produire dans le monde réel car l’instinct de survie garantit que les hommes puisent leur besoins vitaux de la nature.
5.1.2. Société Égalitaire : approche oscillatoire vers l’équilibre
Pour le scénario de la Fig. 3b, δ est augmenté jusqu’à δ=2.5δ∗=1.67 × 10−5. Comme nous pouvons l’observer de la fig. 3b, la capacité porteuse, χ, est plus basse que la valeur maximale χM. La population dépasse initialement la capacité porteuse puis oscille et finalement converge vers celle-ci puisque le dépassement n’est pas trop important, car il est de l’ordre χ. Remarquons qu’au moment où la population (totale) dépasse la capacité porteuse, la richesse atteint un pic puis commence à décliner.
5.1.3. Société Égalitaire : cycles de prospérité, dépassement, effondrement puis régénération
Pour le scénario de la Fig. 3c, δ est augmenté jusqu’à δ=4δ∗=2.67×10−5. Comme nous pouvons le voir, la Population, la Nature et la Richesse s’effondrent conjointement vers de très petites valeurs. Cependant, après que l’exploitation des ressources soit devenue faible en raison du faible nombre de travailleurs, la Nature a une chance de se régénérer à un niveau proche de sa capacité, λ. La régénération de la Nature engendre un nouveau cycle de prospérité qui s’achève avec un nouvel effondrement. La simulation des résultats indique que ces cycles qui s’achèvent par des effondrements de Type-N (c’est-à-dire ceux qui commencent à cause de la rareté de la Nature) se répètent eux-mêmes indéfiniment. Par conséquent, de tels cycles d’effondrement sont qualifiés de «réversibles» de Type-N aussi longtemps que δ demeure dans un voisinage «sûr» de δ*.
5.1.4. Société Égalitaire : Effondrement irréversible de Type-N (effondrement complet)
Pour ce scénario dans la Fig. 3d, δ est encore augmenté à δ = 5.5δ∗ = 3.67E − 5. Le dépassement est tellement important qu’il force Population, Nature et Richesse à s’effondrer totalement, sans possibilité de régénération. C’est un effondrement générique type qui peut subvenir pour n’importe quel type de société à cause d’un dépassement excessif. Voir les Sections 5.2.4 et 5.3.2 pour des exemples d’effondrement irréversible de Type-N dans des sociétés respectivement équitables ou inégalitaires. Nous émettrons plus loin des commentaires sur ces deux types d’effondrements dans la Section 6.
Nous observons que la Richesse accumulées retarde le déclin de la population même après que la Nature ait décliné en dessous de sa capacité, λ. Par conséquent, la Population ne cesse pas de croître et d’exploiter la Nature avant que celle-ci ne soit totalement épuisée. A ce moment-là, à savoir quand y=0, la Richesse ne peut plus croître ; de fait, il se produit alors une chute vertigineuse de la population et finalement un effondrement total et irréversible.
Société Équitable : atterrissage en douceur vers un équilibre optimal
a) L’équilibre en présence de Travailleurs et de non-Travailleurs peut être atteint avec une croissance faible et des salaires équitables.
Société Équitable : Approche oscillatoire vers l’équilibre.
b) L’approche oscillatoire vers l’équilibre, en présence à la fois de Travailleurs et de Non-Travailleurs, est possible quand le dépassement n’est pas trop important.
Société Équitable : Cycles de Prospérité et d’effondrement réversibles de Type-N
c) Cycles de Prospérités, dépassement (réversible Type-N), effondrement et régénération en présence de Travailleurs et de Non-Travailleurs.
Société Équitable : effondrement irréversible de Type-N (complet)
d) L’effondrement total irréversible de Type-N (effondrement complet) survient après une période de croissance très soutenue.
Fig. 4. Résultats expérimentaux pour une Société Équitable.
Fig. 5. L’effondrement total qui est survenu dans le scénario précédent, Fig. 4d, peut être évité en réduisant l’exploitation des ressources per capita. Ceci peut être obtenu soit en augmentant le ratio de Non-Travailleurs par rapport aux Travailleurs (δ élevé, ϕ élevé), ou en diminuant la charge moyenne de travail par Travailleurs, i.e., en diminuant le nombre total d’heures travaillées par semaine (δ faible, ϕ faible).
5.2. Société Équitable (avec des Travailleurs et des non-Travailleurs): κ =1
Nous avons paramétré les valeurs et les conditions initiales pour correspondre à celles fournies dans la Table 1, hormis le fait que cette fois-ci nous avons mis xE(0) = 25 (ϕ= 0.25) et κ = 1. Nous avons commencé avec le niveau optimal d’exploitation des ressources per capita δ = δ**, ce qui permet de soutenir le maximum de population (voir Eq. (14)), puis nous l’avons augmenté graduellement pour obtenir les scénarii additionnels de cette sous-section. Remarquons que dans ces cas xC décrit la population de Travailleurs, alors que xE décrit la population de Non-Travailleurs.
5.2.1. Société Équitable : atterrissage en douceur vers un équilibre optimal
Pour le scenario dans la Fig. 4a, δ = δ∗∗ = 8.33 × 10−6. Remarquons que cela est plus important que la valeur optimale en l’absence de Non-Travailleurs δ∗ = 6.67 × 10−6 même si tous les autres paramètres sont identiques à ceux de la Section 5.1.1. Cette différence provient du fait que xE ≠ 0, ce qui oblige alors les Travailleurs à effectuer une production supplémentaires pour soutenir les Non-Travailleurs. Maintenant, χ < χM car δ = δ∗∗ ≠ δ∗. Cependant en paramétrant δ = δ**, la valeur optimale de δ en présence de Non-Travailleurs, la population totale xC + xE, atteint encore la capacité porteuse maximale, χM, la même que dans la section 5.1. Voir Eq. (15) et Section 4.2 pour une description mathématique.
Des commentaires similaires à la Section 5.1.1 s’appliquent quand on choisit un δ inférieur à la valeur optimale.
5.2.2. Société Équitable : approche oscillatoire vers l’équilibre.
Pour le scénario dans la Fig. 4b, δ=2.64δ∗∗=2.20×10−5. La population totale est égale à la capacité porteuse effective (inférieure à la capacité porteuse maximale).
5.2.3. Société Équitable : cycles de prospérité, dépassement, effondrement et régénération.
Pour le scénario dans la Fig. 4c, δ = 3.46δ∗∗= 3.00 × 10−5. Le résultat est analogue à la Fig. 3c qui correspond à la section 5.1.3. Comme précédemment, le moment où la population totale dépasse la capacité porteuse est matérialisé par le fait que la Richesse commence à décroître. Après chaque cycle de prospérité, il y a un effondrement partiel réversible de Type-N.
5.2.4. Société Équitable : effondrement total
Pour ce scénario dans la Fig. 4d, δ=5δ∗∗=4.33 × 10−5. A nouveau, nous pouvons observer une effondrement (total) de Type-N de la Nature et de la Richesse qui advient à cause d’un épuisement des ressources naturelles résultant d’une forte exploitation des ressources per capita.
5.2.5. Société Équitable: prévention de l’effondrement total en diminuant l’exploitation moyenne des ressources per capita.
Le cas de la Fig. 5 est similaire au cas précédent (voir Section 5.2.4 et la Fig 4d), à la différence près que nous augmentons le ratio des Non-Travailleurs par rapport aux Travailleurs, ϕ, de 0.25 à 6. Cela revient à changer xE(0) de 25 à 600, en gardant xC(0) = 100. En augmentant le ratio des Non-travailleurs par rapport aux Travailleurs, un équilibre soutenable peut être atteint du fait d’une moindre exploitation des ressources per capita – équivalent à une réduction du facteur δ si tout le monde contribuait à l’identique au travail. Ceci peut également être interprété comme une modélisation d’une réduction de la charge de de travail moyenne par travailleur.
Société Inégalitaire: effondrement Type-L (rareté du travail)
a) L’effondrement de la population fait suite à un équilibre apparent lié à une population d’Élite initialement faible quand κ=100. Ce scénario montre aussi un chemin différent vers l’effondrement dans lequel, si la Nature peut finalement se régénérer, ce n’est pas le cas de la Population.
Société Inégalitaire : effondrement irréversible de Type-N (complet)
b) Un effondrement soudain et complet lié à la fois à la sur-exploitation des ressources et aux inégalités (κ=100).
Société inégalitaire : atterrissage en douceur vers un équilibre optimal
c) Avec des inégalités modérées (κ=10), il est possible d’atteindre un équilibre optimal en contrôlant le taux de natalité.
Société Inégalitaire : approche oscillatoire vers l’équilibre
- d) Avec δ δ***, il est toujours possible d’osciller et de converger vers l’équilibre (κ=10).
Fig. 6. Résultats expérimentaux pour une société inégalitaire.
5.3. Société Inégalitaire (avec des Élites et des Citoyens): xE ≥ 0 et κ > 1
Dans nos exemples de société inégalitaires, les Élites consomment (per capita) κ < 10 à 100 fois plus que les Citoyens. Leur population, tracée en rouge, est multipliée par κ pour représenter leur équivalent en impact à cause de leur plus grande consommation. C’est pour cela que nous utilisons le terme « Équivalent Élites » dans le graphique de la Section 5.3.
Dans les deux premiers cas, nous discutons de deux types distincts mais cependant génériques d’effondrement dans une société inégalitaire. Dans ces deux scénarii, κ=100.
Alors, nous montrons la possibilité d’atteindre un équilibre en réduisant κ à 10 et en ajustant le taux de natalité βE et βC indépendamment. Ces deux scénarii avec κ=10 montrent que pour atteindre un équilibre soutenable dans une société inégalitaire, il est nécessaire d’avoir des politiques qui limitent les inégalités et qui assurent que le taux de natalité demeure inférieur à des niveaux critiques.
5.3.1. Société Inégalitaire: effondrement de Type-L (disparition du travail, régénération de la Nature)
Ce scénario, présenté dans la Fig. 6a, est strictement le même que l’équilibre sans Élites présenté dans la Section 5.1.1 (Fig. 3a) à la différence que nous paramétrons xE(0) = 1.0 × 10−3. C’est en vérité un nombre initial d’Élite très faible. Les scénarii semblent identiques jusqu’à environ t=500 ans après le début de la simulation. La population des Élites croît alors significativement après t=500 et épuise la richesse, ce qui est à l’origine de l’effondrement. Avec ce scénario, le système s’effondre avec la raréfaction des Travailleurs, même si les ressources naturelles sont encore abondantes, et comme le taux d’épuisement est optimal, il faut encore plus de 400 ans après le pic de Richesse pour que la société s’effondre. Dans cet exemple, les Citoyens meurent en premier et les Élites disparaissent plus tard. Ce scénario montre que, dans une société qui est par ailleurs soutenable, la consommation fortement inégale des Élites causera tout de même un effondrement.
Ce scénario est un exemple d’effondrement de Type-L dans lequel à la fois la Population et la Richesse s’effondrent mais la Nature se régénère (à sa capacité porteuse maximale, λ, en l’absence d’exploitation des ressources). La rareté des travailleurs est la cause initiale de cet effondrement de Type-L, qui s’oppose à l’épuisement de la Nature dans les effondrements de Type-N.
5.3.2. Société Inégalitaire : effondrement irréversible de Type-N (effondrement complet)
Le scénario typique dans la Fig. 6b pour un effondrement complet est le résultat d’avoir fait tourner le modèle avec les conditions initiales fournies dans la Table 1. Des exemples d’effondrement irréversibles (complets) dans des sociétés égalitaires et équitables sont présentés dans la Section 5.1.4 (Fig. 3d) et la Section 5.2.4 (Fig. 4d).
Nous avons introduit une petite variation initiale de xE(0) = 0.20, κ = 100, et une forte contrainte d’exploitation des ressources δ=1.0×10−4, de sorte qu’à la fois l’exploitation δ=15δ* et le coefficient d’inégalités κ = 100 sont importants. Cette combinaison se traduit par un effondrement complet du système sans possibilité de récupération. La Richesse commence à décroître dès que la population de Citoyens va au-delà de la capacité porteuse, puis l’effondrement complet ne prend que 250 ans de plus. La baisse de la Richesse provoque la chute de la population de Citoyens avec un décalage dans le temps. La réduction rapide du nombre de Travailleurs, associée à la rareté des ressources naturelles induit que la Richesse baisse plus rapidement qu’auparavant. En conséquence, les Élites – qui pourraient d’abord survivre à la famine en raison d’un accès inégal aux biens consommables (κ=100) – vont aussi mourir de faim. Notons que comme à la fois l’exploitation des ressources et les inégalités sont élevées, l’effondrement a lieu plus vite et induit un niveau beaucoup plus faible de population que dans le cas précédent (voir Section 5.3.1, Fig. 5.3.1) où le taux d’exploitation des ressources était de δ=δ*.
5.3.3. Société Inégalitaire : atterrissage en douceur vers un équilibre optimal
Les valeurs des paramètres suivants peuvent produire le scénario actuel (les autres sont exactement identiques à la Table 1) :
La valeur utilisée pour δ dans ce scénario est δ*** qui est donnée par l’Eq. (18). Il faut se souvenir que ψ = 0.65 n’est pas un paramètre que nous pouvons choisir. Cependant, elle peut être lue comme la résultante de la simulation qui équilibre le ratio entre la Population des Élites et des Citoyens. Voir la deuxième équation dans Eq. (17). D’autre part, η = 1/12 est déterminé par les taux de mortalité et de natalité, ainsi que par le coefficient d’inégalité. Ces paramètres sont choisis pour satisfaire Eq. (16), la condition pour atteindre un équilibre dans une société inégalitaire.
Les mêmes commentaires que dans la 5.1.1 s’appliquent ici si nous choisissons un δ plus faible que la valeur optimale.
5.3.4. Société inégalitaire: approche oscillatoire vers l’équilibre
Les valeurs des paramètres et des conditions initiales dans le scénario présenté dans la Fig. 6d sont exactement les même que dans le scénario précédent Fig. 6c, à l’exception de δ. Il est porté à 1.3 × 10−5, presque 2δ***. Il en résulte une capacité porteuse beaucoup plus faible par rapport à la Section 5.3.3, comme on peut le voir en comparant les Fig. 6c et d. Par conséquent, la population finale dans ce scénario est nettement inférieure à la population finale totale dans le scénario précédent, 5.3.3 (Fig. 6c) (Table 2).
6. Discussion des résultats
Nous avons réalisé une série d’expériences avec le modèle HANDY, en considérant d’abord une société égalitaire sans Élites (xE=0), puis une société équitable (κ=1) où les non-travailleurs et les travailleurs sont rémunérés à l’identique, et finalement une société inégalitaire dont les Élites consomment κ fois plus que les Citoyens. Le modèle a été utilisé pour trouver une valeur d’équilibre stable et la capacité porteuse maximale pour chacun de ces trois types de sociétés.
6.1. Société inégalitaire
Les scenarii qui reflètent de la façon la plus réaliste notre monde contemporain se situent dans le troisième groupe d’expériences (voir les scenarii pour une société inégalitaire en Section 5.3), où nous avons introduit une stratification économique.
Dans de telles conditions, il apparait que l’effondrement est difficile à éviter, ce qui aide à expliquer pourquoi la stratification économique est l’un des éléments récurrents identifié dans les sociétés du passé qui se sont effondrées. En particulier, dans le premier de ces scenarii de sociétés inégalitaires, 5.3.1, la solution semble être sur une voie soutenable pendant une longue période, mais même avec un taux d’exploitation des ressources optimal (δ*) et en commençant avec une population d’Élites très faible, les Élites consomment finalement trop, ce qui provoque une famine parmi les Citoyens qui cause finalement l’effondrement de la société. Il est important que noter que cet effondrement de Type-L est dû à une famine induite par les inégalités qui conduit à une perte de travailleurs, plutôt qu’à un effondrement de la Nature. Bien qu’apparaissant initialement comme identique à la solution soutenable optimale obtenue en l’absence d’Élites, la stratification économique change the résultat final : la consommation des Élites continue de croitre jusqu’à ce que la société s’effondre. L’effondrement Maya – dans lequel la population ne s’est jamais rétablie alors même que la nature s’est régénérée – est un exemple d’effondrement de Type-L , alors que les effondrements dans l’Ile de Pâques et le Croissant Fertile – où la nature a été épuisée – sont des exemples d’effondrement de type N.
Dans le scénario 5.3.2, avec un taux d’exploitation des ressources plus élevé, le déclin des Citoyens se produit plus rapidement, tandis que les Elites prospèrent encore, mais finalement les Citoyens s’effondrent complètement, suivis par les Elites. Il est important de noter que dans ces deux scenarii, les Elites – du fait de leur richesse – ne souffrent des effets négatifs de l’effondrement environnemental que bien après les Citoyens. Cette réserve de richesse permet aux Élites de continuer à agir comme si de rien n’était, en dépit de la catastrophe imminente.
Il est probable que ce soit un mécanisme important pour expliquer comment les Élites ont permis aux effondrements historiques de se produire, en semblant inconscients de la trajectoire catastrophique (ce qui est le plus manifeste dans le cas de Rome et des Mayas). Cet effet retard est encore renforcé par la longue trajectoire apparemment soutenable qui précède le début de l’effondrement. Alors que certains membres de la société pourraient sonner l’alarme quant au fait que le système se dirige vers un effondrement imminent et par conséquent prôner des changements structurels dans la société pour l’éviter, les Élites et leurs soutiens, qui se sont opposés à ces changements, pourraient arguer de la longue trajectoire soutenable “jusqu’à présent” pour défendre le statu quo.
Les deux derniers scenarii dans cette série d’expériences, 5.3.3 et 5.3.4, sont conçus pour indiquer le type de politiques nécessaires pour éviter cette issue catastrophique. Ils montrent que, dans un contexte de stratification économique, les inégalités doivent être grandement réduites et la croissance de la population maintenue en dessous de niveaux critiques pour éviter un effondrement sociétal (Daly, 2008).
6.2. Société égalitaire
Afin de mieux comprendre les conditions nécessaires pour éviter l’effondrement, notre première série d’expériences modélise une société sans stratification économique et démarre avec des valeurs de paramètres qui rendent possible d’atteindre la capacité porteuse maximale (scénario 5.1.1). Le résultat montre qu’en l’absence d’Élites, si l’extraction per capita est maintenu au niveau optimal de δ*, la population croit doucement et asymptote le niveau de la capacité porteuse maximale. Ceci entraine un atterrissage en douceur à l’équilibre aux niveaux de population et de production maximum soutenables.
Accroitre légèrement le facteur d’exploitation des ressources (scénario 5.1.2) provoque des oscillations du système, mais permet toujours d’atteindre un équilibre soutenable, quoique, de façon notable, à une capacité porteuse plus faible. La population dépasse sa capacité porteuse, mais comme ce dépassement n’est pas excessif – de l’ordre de la capacité porteuse – la population connait des effondrement plus faibles qui peuvent la conduire à osciller et finalement converger vers un équilibre soutenable. Ainsi, alors que des troubles sociaux et des morts se produisent, un effondrement total est évité.
Une augmentation plus importante du facteur d’exploitation des ressources (scénario 5.1.3) induit que le système connait des oscillations entre périodes de croissance, dépassements très importants, et effondrements dévastateurs qui éliminent quasiment la société, jusqu’à ce que la régénération de la nature permette au cycle de se répéter.
Accroitre encore davantage le facteur d’exploitation des ressources (scénario 5.1.4) provoque un effondrement complet du système. Cela montre que la seule exploitation des ressources, si elle est suffisamment massive, peut induire un effondrement — même en l’absence de stratification économique.
6.3. Société équitable (avec travailleurs et non-travailleurs)
Comme le montre la deuxième série d’expériences (présentée en Section 5.2), HANDY nous permet de modéliser une gamme d’ arrangements sociétaux très divers. Dans cette série d’expérience, choisir xE ≥ 0 et κ = 1 nous permet de modéliser une situation que l’on peut décrire comme intégrant des travailleurs et non-travailleurs ayant le même niveau de consommation, c’est-à-dire sans stratification économique. Les non-travailleurs dans ce scénario peuvent représenter une variété de rôles sociaux tels que les étudiants, retraités, personnes handicapées, intellectuels, dirigeants, et autres secteurs non-productifs. Dans ce cas, les travailleurs doivent exploiter suffisamment de ressources naturelles pour maintenir à la fois les non-travailleurs et eux-mêmes.
Le premier scénario, 5.2.1, montre que même avec une population de non-travailleurs, la population totale peut encore atteindre un équilibre soutenable sans effondrement. Dans le scénario 5.2.2, nous trouvons qu’augmenter le facteur d’exploitation des ressources induit une série de dépassements et de petits effondrements où la population converge finalement vers un niveau d’équilibre soutenable inférieur. Comme dans la société égalitaire, le scénario 5.2.3 montre qu’accroitre davantage le facteur d’exploitation des ressources provoque des cycles de dépassements importants, effondrements majeurs, et finalement de régénération de la nature. Le scénario 5.2.4 montre qu’augmenter encore davantage l’exploitation de ressources per capita peut produire un effondrement irréversible de Type-N.
Finalement, le scénario 5.2.5, qui est une reproduction du scénario 5.2.4 avec une proportion nettement plus élevée de non-travailleurs par rapport aux travailleurs, montre qu’un effondrement dans une société équitable peut être évité en réduisant l’exploitation des ressources moyenne per capita. Nous notons que ce scénario pourrait aussi représenter une situation où, plutôt que d’avoir des non-travailleurs rémunérés, la charge de travail per capita est réduite, avec l’ensemble de la population travaillant “moins de jours par semaine”. Une telle politique de “partage du travail” a été mise en œuvre avec succès en Allemagne ces dernières années pour réduire le chômage (Baker et Hasset, 2012 ; Hasset, 2009).
En outre, Knight et al. (2013) montrent, à travers une analyse de panels de données pour les 29 pays à haut revenue de l’OCDE de 1970 à 2010, que réduire les horaires de travail peut contribuer à la soutenabilité en réduisant la pression écologique. Cette conclusion concorde avec notre comparaison des deux scenarii, 5.2.5 et 5.2.4, présentée ci-dessus.
6.4. HANDY et le modèle de Brander–Taylor
Comme mentionné précédemment, une utilisation similaire du modèle prédateur-proie a été appliquée dans le modèle pionnier de Brander et Taylor (1998) (BT) pour étudier la croissance et la chute de la population de l’Ile de Pâques. En comparaison de leur modèle, avec seulement deux équations pour la Population et la Nature, l’introduction des Élites et Citoyens, et la Richesse accumulée, résulte en une plus grande variété et un spectre plus large de solutions potentielles. De plus, le scénario d’effondrement présenté dans BT est quelque peu différent de ceux présentés ci-dessus. En effet, le scénario d’effondrement de Brander et Taylor (1998) présenté en Fig. 3 semble être davantage une approche oscillatoire de l’équilibre, similaire à celle montrée sur notre Fig. 3b, et non un effondrement au sens où nous l’avons défini dans cet article. En outre, la capacité porteuse, au sens où nous l’avons définie dans cet article, est également différente de ce que BT (1998) appellent capacité porteuse. De fait, leur capacité porteuse (K) est notre capacité de la Nature, λ, qui est la taille maximale que la Nature peut atteindre, alors que la capacité porteuse dans HANDY est le niveau de population qui peut être maintenu pour un niveau donné de ressources naturelles. En outre, la capacité porteuse de BT est une constante, alors que la capacité porteuse dans HANDY s’ajuste en fonction du niveau d’exploitation de la Nature.
Bien que partageant certaines similarités avec le modèle de Brander et Taylor model, notre structure de modèle plus complexe et l’utilisation d’hypothèses différentes nous permettent d’appliquer notre modèle à plusieurs types de sociétés aux structures socioéconomiques variées. Ainsi, contrairement à des travaux qui tendent à étudier les implications plus poussées du modèle bidimensionnel BT (Anderies, 2000), le modèle que nous avons développé introduit une ensemble plus complexe de rétroactions et de dynamiques non-linéaires, et un plus large spectre de conséquences potentielles. Cela permet à HANDY de modéliser un ensemble différent et plus étendu d’expériences de pensée.
Une caractéristique importante de HANDY qui le distingue du modèle prédateur-proie, BT et autres modèles similaires (Anderies, 1998; Dalton et al., 2005; Erickson et Gowdy, 2000; Reuveny et Decker, 2000) est sa capacité native à produire des effondrements irréversibles dus à la structure d’accumulation de richesse. Notre approche diffère également de modèles comme celui D’Alessandro (2007) qui peut produire des effondrements irréversibles mais seulement par l’introduction explicite d’un «mécanisme dépensatoire» dans le modèle. Les dynamiques produites par HANDY offrent la possibilité d’effondrements irréversibles sans avoir à introduire de mécanisme additionnel dans le modèle. Voir Section 5.1.4 pour une explication des effondrements irréversibles dans HANDY.[1]
7. Synthèse
Des effondrements de civilisations, même avancées, se sont produits à de nombreuses reprises lors des 5000 dernières années, et ils étaient fréquemment suivis par des siècles de déclin démographique, culturel et économique. Bien que de nombreuses causes différentes aient été proposées pour expliquer des effondrements particuliers, il est encore nécessaire de développer une explication d’ordre plus général. Dans cet article, nous essayons de construire un modèle mathématique simple pour explorer les dynamiques essentielles d’interaction entre population et ressources naturelles. Cela inclut les deux caractéristiques qui semblent apparaitre parmi les sociétés qui se sont effondrées : l’épuisement des ressources dû à la pression exercée sur la capacité porteuse écologique, et la division de la société entre Élites (riches) et Citoyens (pauvres).
Le modèle de Dynamique entre les humains et la nature (HANDY) a été inspire par le modèle prédateur-proie, où la population humaine agit comme le prédateur et la nature étant la proie. Quand elle est faible, la Nature croit exponentiellement avec un coefficient de régénération γ, mais elle sature à une valeur maximale λ. En conséquence, la régénération maximale de la nature a lieu pour λ / 2, et non au niveau de saturation λ. Les Citoyens produisent de la richesse à un taux d’exploitation des ressources per capita δ, et l’exploitation est également proportionnelle à la quantité de ressources naturelles disponibles. Cette production est épargnée sous forme de richesse accumulée, qui est utilisée par les Elites pour rémunérer les Citoyens d’un salaire de subsistance s, et se rémunérer eux-mêmes κs, où κ est le coefficient d’inégalité. Les populations d’Elites et de Citoyens croissent avec un taux de natalité β et meurent avec un taux de mortalité α qui demeure à un niveau sainement faible tant qu’il y a assez de nourriture accumulée (richesse). Cependant, quand la population augmente et la richesse diminue, le taux de mortalité s’accroit jusqu’à un niveau de famine, conduisant à une diminution de population.
Nous montrons comment la capacité porteuse – la population qui peut être indéfiniment maintenue par un environnement donné (Catton, 1980) – peut être définie dans HANDY, comme la population dont la consommation totale est à un niveau qui égale ce que la nature peut régénérer. Etant donné que la régénération de la Nature est maximum quand y = λ / 2, nous trouvons le niveau optimal d’exploitation (production) per capita, δ* dans une société égalitaire où xE ≡ 0, δ∗∗(≥δ∗) dans une société équitable où κ ≡ 1, et δ*** dans une société inégalitaire où xE ≥ 0 et κ > 1.
En résumé, le résultat de nos expériences, discuté dans la Section 6, indique que chacune des deux caractéristiques apparentes dans les effondrements historiques de sociétés – sur-exploitation des ressources naturelles et forte stratification économique – peut résulter indépendamment dans un effondrement complet. En présence de stratification économique, l’effondrement est très difficile à éviter et requiert des changements politiques majeurs, incluant des réductions importantes des inégalités et des taux de croissance de la population. Même en l’absence de stratification économique, l’effondrement peut tout de même se produire si l’exploitation per capita est trop élevée. Cependant, l’effondrement peut être évité et la population peut atteindre l’équilibre si le taux d’exploitation de na nature per capita est réduit à un niveau soutenable, et si les ressources sont distribuées de manière raisonnablement équitable.
Dans les prochaines générations de HANDY, nous prévoyons de développer plusieurs extensions y compris : (1) dissociation de la Nature entre stocks non renouvelables, stocks renouvelables, et flux renouvelables, ainsi que l’introduction d’un mécanisme d’investissement dans l’accessibilité des ressources naturelles, afin d’étudier les effets de l’investissement dans la technologie sur le choix des ressources et l’efficience de la production ; (2) rendre l’inégalité (κ) endogène à la structure du modèle ; (3) introduction de “politiques” qui peuvent modifier des paramètres tels que l’exploitation des ressources, le coefficient d’inégalité, et le taux de natalité ; et, (4) introduction de plusieurs régions associés pour représenter les pays avec différentes politiques, commerce de capacité porteuse, et ressources de guerre.
Ceux qui sont intéressés pour obtenir le modèle peuvent contacter les auteurs.
Remerciements
Nous sommes reconnaissants aux Profs. Matthias Ruth, Victor Yakovenko, Herman Daly, Takemasa Miyoshi, Jim Carton, Fernando Miralles-Wilhelm, et Ning Zeng, et Drs. Robert Cahalan et Steve Penny pour les nombreuses discussions utiles. L’étude des scenarii de la “société équitable” (c’est-à-dire, avec des travailleurs et des non-travailleurs), le scénario présenté en Section 5.2.5 en particulier, a été suggéré par V. Yakovenko. Nous aimerions également remercier l’évaluateur anonyme No. 1 pour nous avoir mis en lumière l’importance de la capacité de HANDY à produire naturellement des effondrements irréversibles, qui n’a pas été trouvée dans les modèles antérieurs. Nous aimerions particulièrement remercier les éditeurs de ce journal pour nous avoir informés du modèle et du travail réalisé par Brander et Taylor, dont nous n’avions pas connaissance, et pour nous avoir permis de réviser notre article pour prendre en compte cette nouvelle information. Ce travail a été partiellement finance par la NASA/GSFC, subvention NNX12AD03A.
Sur la base des reportages médiatiques sur une version de prépublication de cet article, la NASA a émis l’avis officiel contenu dans le communiqué 14-082 :
http://www.nasa.gov/press/2014/march/nasa-statement-on-sustainability-study/
20 mars 2014
Communiqué 14-082
Déclaration de la NASA sur l’étude de soutenabilité
Ce qui suit est une déclaration de la NASA concernant des reportages médiatiques erronés créditant l’agence d’un article académique sur la population et les impacts sociétaux.
« Un article de recherche à paraitre prochainement ‘Dynamique Homme-Nature (« HANDY ») : Modélisation des inégalités et de l’exploitation des ressources dans l’effondrement ou la soutenabilité des sociétés’ par les chercheurs de l’Université du Maryland Safa Motesharrei et Eugenia Kalnay, et de l’Université du Minnesota Jorge Rivas, n’a pas été sollicité, dirigé ou revu par la NASA. Il s’agit d’une étude indépendante par les chercheurs universitaires utilisant des outils de recherché développés pour une activité de la NASA séparée. »
« Comme c’est le cas avec toutes les recherches indépendantes, les vues et conclusions de l’article sont celles des seuls auteurs. La NASA n’endosse ni l’article ni ses conclusions. »
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[1] Nous souhaitons reconnaitre et remercier l’évaluateur No. 1 pour nous avoir mis en lumière ces points très importants.