Albi : plus c’est gros plus ça passe (ou pas)

Je viens de découvrir avec étonnement un document édité par la mairie sur son bilan financier. j’ai immédiatement pensé à la citation suivante.

« Les chiffres sont comme les gens. Si on les torture assez, on peut leur faire dire n’importe quoi.  »  Didier Hallépée

De cet auteur, j’aime particulièrement « boulier, l’art de compter avec les doigts » et « Nombres en folie ». Un tropisme personnel pour les activités chiffrées.

Voici donc l’infographie en question et arrêtons nous un instant sur les affirmations. 

Première affirmation : La dotation Globale a baissé de 15 %. 
La dotation globale, c’est la somme que verse chaque année l’Etat aux communes. L’infographie est à la fois juste et en même temps fausse et trompeuse.

Tout d’abord 15 % est bien l’ordre de grandeur. Mais en fait avec d’autres données on arrive à 22 %. Quitte à mentir autant utiliser ce chiffre encore plus spectaculaire et trompeur.  Nous obtenons ce chiffre en croissant les données publiées par la ville sur les budgets primitifs et comptes administratifs (près de 1000 pages par an à éplucher entre le budget primitif, les budgets modificatifs et le compte administratif) et les documents du Journal du Net.

Ensuite c’est aussi trompeur car cela à penser que les finances de la ville ont été amputées de 15 %. Or la dotation globale de fonctionnement ne représente que 15 % des recettes de la commune.  Démonstration ici.

On constate que tout au long du mandat, les recettes sont stables. La baisse de DGF a été absorbée par l’augmentation des impôts des Albigeois.

La baisse réelle pour la ville est d’environ 2 %. En effet, pour toute personne qui sait un peu compter, on sait que 15 % de 15 % ça ne fait que 2,25 % (0.15×0.15 ) de baisse. Le retrait de l’Etat, c’est donc soldé par une baisse d’environ 2 % sur les recettes de la commune qu’il a été nécessaire de combler. On ne peut donc pas invoquer ce chiffre comme raison première des difficultés de la commune.

Deuxième affirmation : La fiscalité a moins augmenté que sous le mandat précédant. 

 

Cette affirmation est totalement fausse et je suis catégorique. Je l’ai déjà abondamment expliqué sur ce blog.  Le tour de passe-passe est obtenu en ne parlant que du taux d’imposition. Ce qui est profondément malhonnête.
Voici un tableau simple de l’évolution des sommes collectées avec la taxe d’habitation et la taxe foncière pendant ce mandat. On arrive à 14,5 % d’augmentation.

Je vais essayer de vous réexpliquer simplement.
Imaginons que vous ayez 100 € . On considère qu’on va tout vous imposer et on vous propose un abattement de 20 % sur cette somme. Après abattement la somme imposable est donc de 80 €. Maintenant, on vous applique un taux d’imposition de 10 % sur cette somme. On va donc prélever 8 €. (80 €* 10 %)

Maintenant je vous dis que je modifie pas les taux mais je décide de réduire l’abattement. Je le passe à 10 %. Sur les 100 € initiaux, j’applique le nouveau taux d’abattement et je vous dis que la nouvelle somme imposable est donc 90 €. Sur cette nouvelle somme j’applique mes 10  % d’imposition. J’ai donc un impôt de 9 € (90*10%).

Concrètement vos impôts ont augmenté de 12,5 %  (9-8 le tout divisé par 8). Mais je clame haut et fort que le taux n’a pas augmenté. C’est la technique utilisée par la ville pour augmenter les impôts sans toucher aux taux. Elle a modifié les abattements.

Troisième affirmation : l’endettement de la ville a baissé

Lorsqu’on regarde les documents officiels on obtient l’analyse suivante :

On va se concentrer sur la dernière ligne. C’est l’encours net de la ville une fois qu’on a enlevé l’encours récupérable (c’est des sommes dues par l’agglo essentiellement pour des transferts et les sommes sont en baisse car les transferts sont opérés).  La ville affirme que l’endettement a baissé. Au départ, j’avais affirmé 47 millions. En fait, c’était sans compter sur les décisions modificatives signalées par Patrick Vieu. On monte à plus de 52 millions. Il y a eu des dettes contractées en cours d’année. Je voudrai bien qu’ils me produisent le calcul car les documents officiels (ceux obligatoirement déposés en préfecture et visés par l’Etat) ne disent pas la même chose. L’endettement a progressé de 12 millions sur le mandat.  Il y a donc un mensonge quelque part. Sur les documents officiels transmis à l’Etat, c’est impossible. Je vous laisse conclure. + 29 % de dette et -78 % d’excédent brut, c’est franchement problématique.

Il y a un dernier problème non mentionné. L’excédent de clôture s’effondre.

Dans tous les livres consacrés à la gestion municipale, l’excédent de clôture est considéré comme correct, quand il représente environ 20 % des recettes. Pour une ville comme Albi, il devrait se situer aux alentours de 12 millions d’Euros. Nous avons un excédent autour de 2 millions. C’est 6 fois moins et c’est très grave. Pourquoi ? Parce que sans cet excédent, il est difficile d’investir et de recommencer l’année suivante.

A quelques variations près, l’excédent de clôture correspond à la CAF. nous n’allons pas produire le tableau qui alourdirait pour rien. Il y a une variation de +- 10% liée à des amortissements et autres éléments comptables.

Concrètement, cela signifie qu’en début de mandat, il fallait 7 ans et demi pour rembourser la dette de la ville (on compte avec la dette brute car même si elle est en partie récupérable, il est bien nécessaire de pouvoir la rembourser) et que maintenant, il faut presque 35 ans.  Et c’est pour cela que j’affirme qu’on a un sérieux problème de gestion à Albi.