C’est le coup de coeur des réunions de la semaine dernière. L’association pour la santé pour tous organisait une conférence sur la santé. Thème totalement absent du grand débat et pourtant essentiel. Allez faire un tour sur leur site. Il y a plein d’informations passionnantes expliquées simplement. Le point de départ était le schéma qui suit.
Souvent, lorsqu’on parle de santé, on pense en fait au système de soin. Éventuellement quand on connait un peu on pense prédisposition génétique. Mais les deux mis bout-à-bout ne pèsent que pour 20 % des déterminants de la santé. Les conditions socio-économiques (niveau de vie, lieu de vie, alimentation, éducation, etc,) représentent plus de la moitié des facteurs qui vont impacter l’état de santé des populations. Idem pour les facteurs environnementaux (exposition au bruit et à la pollution, urbanisme, climat,etc) qui impactent plus que les prédispositions génétiques ou l’accès à un système de soin.
L’impact de ce schéma est très important
Les élus et notamment les élus de proximité peuvent agir sur les 3/4 des facteurs. Ils auront plus de mal à agir sur l’installation des médecins ou des personnels de santé. Il s’agit de politiques nationales. Par contre facilité l’accès à de l’alimentation de qualité, lutter contre la pollution sur un territoire préservé leur incombe. L’augmentation des affections de longue durée (ALD) et des cancers est souvent liées aux facteurs environnementaux. Cela pèse sur notre modèle de protection sociale. Souvent on lâche la proie pour l’ombre. On se focalise sur le développement économique sans considérer l’impact sur le territoire. Le circuit d’Albi pourrait éventuellement servir d’exemple. Par ailleurs, on urbanise sans tenir compte des impacts à long terme. Il est donc fondamental d’avoir en tête ce schéma lorsqu’on élabore des politiques locales. Le bruit cause de 50 000 décès / an en Europe. La pollution atmosphérique c’est plus de 500 000 morts/an en Europe. C’est donc une réflexion importante.
Il justifie aussi la réduction des inégalités et la lutte contre le logement indigne.
Pour compléter ce raisonnement, voici un deuxième graphique issu de la conférence.
L’espérance de vie et l’état sanitaire est fortement impacté par les inégalités. Pas uniquement d’accès aux soins. Le différentiel d’espérance de vie est colossal. 13 ans chez les hommes et 8 ans chez les femmes. Si on regarde pour la très grande précarité, c’est 28 ans de moins ! Pour nous c’est d’abord une question de dignité humaine. Mais au-delà de ce différentiel, il y a aussi l’état de santé qui va impacter la propagation des épidémies. Une personne plus fragile est plus facilement malade et propage les épidémies et renforce les pics épidémiques. Elle sera plus absente au travail, etc. Si le côté humain et dignité ne vous parle pas suffisamment, sachez que 5 % des malades génèrent 50 % des dépenses de santé. Il s’agit des personnes ayant une affection de longue durée et des personnes en fin de vie. On les trouve très souvent dans les personnes précarisées qui voient leur état sanitaire très dégradé par rapport au reste de la population. D’autant plus quand les dépassement d’honoraires ou l’éloignement des centres de soins retarde les diagnostics et les prises en charges.
Deux épidémiologistes anglais l’ont d’ailleurs montré dans le livre « Pourquoi l’égalité est meilleure pour tous » que l’égalité est un objectif sociétal :
État de santé, espérance de vie, obésité, santé mentale, taux d’incarcération ou d’homicide, toxicomanie, grossesses précoces, succès ou échecs scolaires, bilan carbone et recyclage des déchets, tous les chiffres vont dans le même sens : l’inégalité des revenus nuit de manière flagrante au bien-être de tous. Conclusion des auteurs : « Ce n’est pas la richesse qui fait le bonheur des sociétés, mais l’égalité des conditions. »
Cela pose aussi la question du chômage et de la précarité
Michel Debout, professeur de médecine légale et psychiatre, auteur du livre « le traumatisme du chômage » a montré que la précarité et le chômage provoque 10.000 à 15.000 morts par an. Bien plus que la route ou que d’autres causes. Il est donc urgent d’agir d’abord localement. Aussi pour investir massivement dans les quartiers défavorisés. Rappelons qu’Albi a 3 quartiers qui relèvent de la politique de la ville, dont un qui est classé 5e quartier plus pauvre de France. Il doit donc concentrer les efforts et l’attention des élus.
La défense du système de santé
Les auteurs de cette conférence ont aussi longuement développé les inégalités d’accès au soin en fonction des territoires et l’évolution problématique de la médecine. La France se distingue aussi par son manque d’investissement dans la prévention (deux fois moins d’argent que ses voisins européens) qu’elle a tendance à limiter au dépistage.
Conclusion
Nous sommes sortis grandis de cet échange et je vous invite à vous intéresser à leurs productions. Il est pour moi important de parler d’eux car faire de l’information citoyenne, c’est aussi relayer le travail des autres quand il est intéressant. Et apprendre à collaborer en réseau en tenant compte des expertises de nombreux acteurs déjà engagés.