La première surprise a été le nombre de réponses. Plus de 900 en moins de 24 h. 1200 au moment où j’écris. Comme si l’envie de s’exprimer sur le sujet était importante (Nous avons maintenant dépassé les 1600 réponses)
Si je force le trait, le collapsonaute est un mâle blanc (c’est de l’autodérision, il y a plus de 40%de femmes et blanc je n’en sais strictement rien) surdiplômé par rapport au reste de la population mais il est aussi très écologiste de longue date sans pour autant voter écolo et très soucieux de partager et de coopérer avec les gens (surdiplômé n’est pas dépréciatif dans mon esprit et cela semble inéluctable; il faut juste que l’éducation populaire ou la vulgarisation permettent au plus grand nombre de s’emparer de cette question politique et on trouve ça dans la plupart des mouvements). Il a une très forte sensibilité aux inégalités sociales. Il a aussi une démarche philosophique ou spirituelle. Et il a l’esprit pratique puisqu’il cherche à développer des compétences autour de la permaculture ou des low-techs. Et ce n’est pas un survivaliste mais plutôt une personne qui souhaite lutter contre les excès du capitalisme néolibéral en adoptant un mode de vie sobre. La prochaine étape est pour lui ou elle de réduire sa consommation de viande et ses déplacements « carbonés ». L’action politique n’est quasiment pas citée.
Le collapse et l’effondrement sont des notions qui ont une certaine audience depuis quelques années même si le concept est relativement récent. Ici les courbes de trend sur le principal moteur de recherche pour les mots « effondrement » et « collapsologie ».
Il existait des études sur des échantillons de 200 personnes environ. Une étude très complète et hyper intéressante par Guillaume Pitiot. et une autre par Laurent Quivogne disponible sur son blog. Nous avons décidé de proposer d’élaborer un questionnaire. D’abord sur le groupe Facebook de La collapso heureuse avec l’accord des modérateurs puis sur d’autres groupes traitant de la notion d’effondrement pour augmenter l’audience.
Les résultats de Guillaume Pitiot sont très riches. L’étude mérite une analyse détaillée. Il classe les collapsologues en déclinistes (pas de rupture à l’instant T mais une lente érosion) et en collapsiste (rupture brutale). Il observe d’une part l’existence de « collapsologue historique » 22 % de son échantillon et les néocollapsologues qui sont les plus nombreux. Sur un échantillon plus grand la tendance est la même puisque 21 % de l’échantillon connaît la notion depuis plus de 3 ans.
Guillaume Petiot a aussi testé les Pro-nucléaires et anti-nucléaires ce que nous n’avons pas fait. La part des personnes favorables au nucléaire est inférieure à 20 %. « Les pro-nucléaires soulignent qu’il est impossible de passer d’un système énergétique carboné dominé par le pétrole à un système neutre en carbone sans le nucléaire. […] »Les anti-nucléaires eux soulignent la dangerosité du nucléaire et l’incapacité à traiter les déchets nucléaires (dont la radioactivité ne faiblit qu’après des milliers d’année). Dans une perspective d’effondrement, ces deux attributs deviennent alors cruciaux. Guillaume Petiot distingue aussi les « survivalistes (ou preppers) qui sont dans une démarche de préparation effective face à l’effondrement et ses conséquences. » […] et « Les sobres pour qui la démarche de sobriété est relativement moins radicale. Il s’agit d’avoir un changement comportemental qui promeut une consommation sobre, en accord avec les grands équilibres écologiques. Il s’agit moins d’avoir une préparation effective à une potentielle catastrophe. » Nous obtenons une part plus importante de « sobres » dans notre questionnaire.
Les résultats semblent aussi indiquer une gradation dans la préparation.
Il ressort des résultats obtenus les éléments suivants. L’étude de Guillaume Pitiot est très rigoureuse et très détaillée. Nous avons choisi des questions plus courtes et parfois très fermées pour essayer d’avoir un aperçu à un instant T des personnes qui s’intéressent à ce concept. Le questionnaire est parfois biaisé mais nous voulions forcer les réponses en pensant que les heuristiques de raisonnement souvent à l’oeuvre dans ce genre de questions amèneraient les répondants à se positionner quand même.
Les personnes qui s’intéressent à la collapsologie et qui interagissent dans les groupes de collapsologie sont intéressés par l’écologie de longue date.
Les personnes découvrent la notion depuis qu’elle est médiatisée. Les « historiques » sont 21 % de l’échantillon
Les personnes qui connaissent ce terme ont une confiance assez importante dans la robustesse des hypothèses qui sont associées à ce terme.
La plupart des répondants (80 % des plus 1000 personnes qui ont répondu sont spontanément persuadé que le collapse a déjà commencé. Les réponses libres autour de cette question font apparaître à la fois un appel à l’intuition pour certains mais aussi une sensibilité aux inégalités et une bonne connaissance des travaux disponibles sur le sujet. Il sera intéressant de trier les réponses libres mais le volume de données(900 réponses sur cet item) rend cet exercice impossible pour ce premier jet.
on constate que les vidéos « youtube » ou autres chaînes en ligne constituent le moyen de découverte le plus important. Les livres sur le sujet et les groupes de partage type FB viennent ensuite.
Les répondants avaient initialement des préoccupations écologiques. Il serait intéressant de connaitre les mots clefs utilisés et la façon dont ils sont arrivés sur ces données.
Pour la plupart des répondants le processus d’effondrement sera plutôt rapide. Si on cumule les propositions rapide et très rapide on arrive à un total de plus de la moitié des réponses.
Nous avons ensuite décidé de tester l’adhésion à un certain nombre de problèmes (réchauffement climatique, Ressources, 6ème extinction de masse des espèces, démographie, pollution, agriculture soutenable). Les items qui remportent le plus d’adhésion, sont le réchauffement climatique, l’agriculture soutenable, la 6ème extinction des espèces autour de 80 %. Les ressources ne recueillent que 60 % et la démographie 43 %. La pollution préoccupe 73 % des répondants.
La description du scénario que les gens ont en tête pour l’effondrement sont très riches mais devront faire l’objet d’un traitement ultérieur.
On peut noter que les répondants ont une vision assez systémique des problèmes car ils associent assez spontanément les problèmes. On trouve parfois des querelles picrocholines chez les auteurs pour savoir quel concept doit avoir la meilleure couverture. Cela ne génère pas les même portes-parole et les même processus d’enrôlement mais cela ne concerne pas les répondants qui eux préfèrent lier les problèmes.
Les répondants semblent anticiper plutôt des conflits entre les individus et entre États mais ils plébiscitent les comportements de partage et de coopération. C’est très net quand on lie les questions. Il faudra faire un tri croisé entre ces deux items
Nous avons été surpris de voir que les gens pensent développer des compétences pratiques qui peuvent les ranger dans les survivalistes. Pourtant ils adoptent pour la plupart un comportement écologique qui n’est pas radical.
Cette réponse nous a beaucoup surpris. En effet plus de 85 % des personnes qui ont répondu spontanément à notre questionnaire (il a juste été déposé sur des groupes) trouve important de développer une réflexion philosophique ou spirituelle. Cela nous semble en contradiction avec la sécularisation de nos sociétés occidentales et avec les préoccupations habituelles dans les groupes auxquels nous participons. En général ces préoccupations ne manquent jamais de soulever une certaine hostilité.
Nous avons constaté que les personnes qui craignent les conflits ne pensent pas pour autant développer des réflexes de lutte aussi marqués que ce que nous pensions. L’idée de se défendre reste cependant prégnante.
La proximité partisane nous a semblé intéressante. Alors que les répondants sont des gens préoccupés par les questions écologiques de longues dates ils ne votent pas nécessairement pour des partis à vocation environnementale. Les conservateurs sont très peu représentés. Les personnes sont à gauche ou très à gauche ou ne croient plus à la politique. Cette question pose problème pour envisager des débouchés politiques à ses préoccupations. Un certains nombres de répondants qui ont réagi au questionnaire auraient souhaité des options telles que l’anarchisme par exemple.
Nous avons aussi constaté que les sentiments négatifs l’emportent. Cependant cette prévalence des sentiments négatifs (peur, colère, angoisse, tristesse, etc.) doit pouvoir être mise en lien avec l’importance accordée à la nécessité de développer une réflexion philosophique ou spirituelle. Il nous semble que cette volonté peut être le prélude à une volonté de canaliser ses émotions pour se mettre en chemin vers une résilience ou une action pour faire changer les choses. La liste des émotions étaient volontairement limitée. Une part significative des répondants ont préféré cocher la case autre parce que leurs émotions sont plus complexes. Paix intérieure, soulagement et joie totalisent quand même près de 20 % des réponses. Cela nous semble intéressant.
Dernier point. Nous avions conclu par une question ouverte pour demander ce que les gens comptaient faire de plus. La réduction de la consommation de viande était très présente. La réduction des déplacements « carbonés » aussi. L’action politique quasiment absente. La prise de conscience reste individuelle et ne semble pas conduire à l’action collective.
Les dernières questions sont des données sociodémographiques. 82 % des répondants vivent en France. 11% en Europe. Les autres se répartissent sur le reste du globe. Les répondants sont majoritairement des personnes diplômées du supérieur. 51 % des plus de 1000 répondants ont des études supérieures longues, plus de 7 % ont un doctorat ou équivalent et 25 % des interviewés ont suivi des études supérieures courtes. Le total des études supérieures est de 85 %. Très loin de la population française. Nous avons préféré demander le niveau d’étude car la question demande un effort de connaissances sur des questions difficiles et certaines personnes ont des trajectoires personnelles qui découplent le niveau d’étude et la profession exercée ou ont fait le choix d’absence de profession. Les hommes sont plus nombreux que les femmes (60 %), la classe d’âge la plus représentée est celle des 35-49 ans (40 %). Les personnes qui ont répondu à ce questionnaire sont majoritairement urbains et ils ont déjà des comportements plus écologiques que la moyenne française selon leurs déclarations. Vous pouvez consulter les résultats bruts ci-dessous.