Pour notre info, quels médias choisir ?

 

Tina ou la pensée unique

Aujourd’hui se développe le sentiment que les médias traditionnels – télé, radio et même presse écrite – alimenteraient un discours dominant sans la pluralité nécessaire à la compréhension des phénomènes. Une forme de pensée unique en somme, reprise sous le terme de TINA. C’est l’acronyme de la phrase « there is not alternative » attribuée à Margaret Thatcher en 1980. Nous sommes tentés de rechercher ailleurs – notamment sur l’Internet – s’il n’y aurait pas de « plan B » pour échapper aux cures d’austérité – plan Vals et pacte de stabilité européen – décidées à Paris ou à Bruxelles. Certes ils existent peut être mais ils ne sont pas sans conséquences et il vaut mieux peser le pour et le contre car les solutions alternatives sont souvent pires.

La théorie du complot

La défiance envers les médias traditionnels est renforcée par une « théorie » définie et critiquée dès 1945 par le philosophe des sciences K. Popper : tout phénomène social de masse surviendrait parce qu’un petit groupe de personnes influentes ont conspiré pour qu’il serve leurs intérêts. Notons par exemple, l’influence attribuée « groupe Bilderberg ». Des décideurs du monde entier se rencontrent dans l’hôtel du même nom avec pour règle que les propos tenus ne seront pas divulgués, pour la liberté des débats. Cela nourrit la parano de blogs qui affirment qu’ils manipulent l’économie, la bourse et les changes.

La science économique sous le feu des blogueurs

Avec la crise les économistes « officiels » – universitaires, chercheurs, journalistes spécialisés – sont dans le collimateur de plusieurs blogueurs critiques du « système » – qui vont de l’extrême droite à l’extrême gauche. Un détour sur Ebuzzing, site spécialisé sur l’audience internet montre qu’ils ont des lectorats très développés et un écho très important.

On peut résumer le fil conducteur de ces sites « alternatifs» par la formule de Victor Hugo « la science économique jette un voile de nécessité sur des fictions profitables ». L’économie enseignée dans nos facs reposerait sur des bases fragiles, multiplierait les erreurs de prévision tout en servant les intérêts du capitalisme multinational.

 

Tout est contestable mais tout n’est pas faux

Que répondre à ce tir de barrage ? Qu’il n’y a pas vraiment de pensée unique ! La recherche universitaire se fonde sur le double principe de la réfutation (une théorie doit pouvoir être vérifiée et contredite) et de l’ouverture (une théorie doit faire l’objet d’un consensus suffisamment large auprès des autres chercheurs). Or, depuis la création de « l’économie politique » à la fin du XVIII°siècle, on ne peut lui reprocher l’absence de débats : aux libéraux (de Smith à Friedman) se sont opposés les interventionnistes (de Marx à Keynes), aux mondialistes (Ricardo) les protectionnistes (List), etc. A l’envers d’une idée reçue, l’écart entre les prévisions annuelles de l’Insee et la réalité observée est réduit, grâce au progrès de l’analyse statistique. Bien sûr la date d’un krach (éclatement d’une bulle) restera imprévisible -même si des prémices inquiètent aujourd’hui- : les sismologues prévoient-ils le jour et l’heure du « big one » ou d’un tsunami ? Mais le monde est en transformation perpétuelle : les remèdes à la crise de Keynes (1936) ne s’appliquent plus à l’économie mondialisée et ouverte de 2008. L’économiste ne dicte pas sa conduite au politique. Il l’informe des effets probables de ses choix… à lui de les assumer. A lui de ne pas faire croire qu’une seule voie est possible. Chaque choix génère un faisceau de conséquences.

Un si petit monde

Le psychosociologue Stanley Milgram a fait en 1967 l’expérience suivante : 60 participants devaient remettre en main propre, ou via son réseau relationnel, une lettre à un destinataire inconnu dans un État éloigné du leur. Combien de temps et combien d’intermédiaires furent nécessaires ? Réponse : 4 jours et 6 personnes seulement. Cette « théorie du petit monde » explique la rapidité de propagation d’une idée sur la Toile.Nous-mêmes (Loïc Steffan et Guy Etchegoinberry) avons lancé l’an dernier, par curiosité, une pétition intitulée « abolissons les privilèges » sur change.org en écho à l’actualité du moment. En l’espace de 10 jours, sans nul soutien, nous avons récolté plus de 40 000 signatures, uniquement sur cet effet de bouche à oreille.

Pour la diversité des médias

Une enquête montre que les Américains utilisent à la fois les médias traditionnelles et numériques. Pour compléter son info et aussi pour participer à cette nouvelle agora il faut aller sur les réseaux, et sélectionner ses blogs préférés en internaute ouvert mais prudent. Il faut accepter la diversité et ne pas sélectionner uniquement des sources qui confortent notre opinion. Festinger dans « l’échec d’une prophétie » a montré que l’on renonce difficilement (dissonance cognitive) aux idées auxquelles on tient même si elles sont fausses. Attention, si un blogueur dénonce une manipulation du « système », il peut être un manipulateur lui-même. Cela complète sans remplacer l’avis des experts, et là notre bonne vieille presse écrite (papier ou numérique) reste incomparable : le filtre de journalistes respectueux de leur déontologie est la meilleure des garanties.

Christian Branthomme et Loïc Steffan,

 

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Source : Pew Center Research 2012Américains âgés de 18 ans et plus

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