Hollande, un bilan de 4 ans de politique économique

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 A un an des présidentielles,  c’est déjà l’heure des bilans.  Les éditoriaux  de la presse nationale rivalisent de  sévérité et font dans la métaphore maritime :   un capitaine   incertain de  son  cap  et  contraint au « cabotage ».  Nous partons de l’hypothèse inverse : dès le départ, contre vents et marées et contre toute attente, le gouvernement a suivi,  une « politique de l’offre » en anticipant un retournement de conjoncture. C’est très inhabituel à gauche et souvent impopulaire mais force est de constater que toutes les mesures économiques prises depuis 4 ans vont dans ce sens. Et si, dans un environnement   plus favorable, cela  commençait  à produire ses effets ?

 

Cap sur la politique de l’offre : CICE  et  pacte de  responsabilité

Dès novembre 2012, le  gouvernement commande à  l’ancien président d’EADS, Pierre Gallois un « rapport sur la compétitivité de la France ». Le constat est alarmant :   décrochage industriel lié à une offre  « milieu de gamme », perte de part de marché et de compétitivité. Le coût du travail  (salaires + charges) dans l’industrie dépasse le niveau de l’Allemagne, les marges d’exploitation des entreprises se sont effondrées et  limitent   l’investissement  nécessaire pour monter en gamme.   Le rapport  recommande   un environnement  fiscal et juridique plus stable en faveur des entreprises. Et surtout,    un « choc de compétitivité »   :   allègement drastique  les charges  sociales. D’où la mesure phare du « crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi » (CICE, 2013) :   une réduction d’impôt  équivalente  à  6 %  des rémunérations inférieures à 2,5 SMIC. En 2014 le Pacte de responsabilité et de solidarité, puis en 2016 le plan d’urgence pour l’emploi dans les PME,  complètent  l’effort de l’Etat en faveur des entreprises. L’ « ardoise »  totale qui passera de 10 à 41 milliards en  2017,  n’est pas négligeable  au moment où la France doit  tailler dans ses dépenses.  Pour les partisans d’une « politique de la demande »,  inspirée par Keynes (1936),  il s’agit d’un cadeau sans contrepartie aux entreprises,   qu’il eût été préférable d’affecter  à la création d’emplois publics ou à la baisse d’impôts des ménages susceptible de relancer la consommation. Le choix de l’offre n’est pas sans rappeler le  « théorème » du chancelier social-démocrate allemand Helmut Schmidt (1976) «  les profits d’aujourd’hui font  les investissements de demain et  feront les emplois d’après demain ».

 

L’Europe  impose la   rigueur mais  évite une crise de la dette  

Elu en avril 2012,  Hollande  espère pouvoir renégocier   le « Traité Européen sur la stabilité, la coordination et la gouvernance »  (TSCG),  mais  c’est mission impossible : 25 membres  de l’UE l’ont  signé en mars. Ce traité soumet la politique budgétaire au respect de la « Règle d’or » voulue par l’Allemagne : objectif d’un « déficit structurel nul »  des Etats ; « déficit structurel » signifie qu’en cas de crise, où les impôts rentrent mal et les dépenses augmentent, un déficit temporaire est toléré.  Idéalement, un pays devrait  faire des excédents en  périodes de vaches grasses…  les dépenser en temps de « vaches maigres ».   Désormais, la Commission surveille les écarts, et la  France  est rappelée à l’ordre en 2013.  En raison de la persistance de la crise,  elle   obtient tout de même  un différé de deux ans  pour un  retour au dessous de 3 % de déficit  (2017 au lieu de 2015).

Pour réduire un  déficit à  5 % en 2012,  le gouvernement privilégie la hausse des  impôts plutôt que la baisse des  dépenses. Ce choix est  impopulaire. Il évite pourtant une trop grande « casse sociale » et nous épargne le sort de la Grèce ou de l’Espagne. Les arbitrages budgétaires  augmentent l’éducation la police et la justice, mais diminuent le reste, dont les dotations aux  collectivités territoriales.    Inévitablement cela freine la  croissance et l’emploi.

Mais l’Europe n’amène pas que des contraintes. La  politique de création monétaire  (quantitative easing  voir http://www.letarnlibre.com/2015/04/13/2428-rubrique-eco) de  Mario Draghi  met fin  à la crise des dettes souveraines et restaure la confiance des marchés.


La reprise de la croissance précède l’inversion de la courbe du chômage

Hollande a enfin de la « chance » : des vents porteurs soufflent sur notre croissance. La baisse du pétrole permet une hausse moyenne de 1,7 % du pouvoir d’achat. La baisse de l’euro améliore nos exportations. Après avoir été nulle la croissance repart en Europe… et en France avec une prévision de 1,3 à 1,5 % pour 2016. Du côté des entreprises, comme prévu, les marges des entreprises se sont redressées.  Pourquoi alors que la  création nette d’emplois est repartie en 2015 (+ 82 mille emplois  marchands) … le taux de chômage plafonne-t-il ?   Explication simple : la population active (occupés + demandeurs d’emplois) augmentent d’environ 150 mille chaque année. Pas tant du fait de notre démographie  que du maintien  massif des séniors en activité  avec le prolongement  à 62 ans  de l’âge de la retraite. On estime qu’à partir de 1,4 %  la croissance la courbe du chômage  devrait enfin s’inverser.  Il y a eu des succès épisodiques sur le chômage comme en avril dernier.  Pourtant rien n’est encore  joué : le pétrole devrait repartir à la hausse (la demande  mondiale hausse de 8 % par an) et sans doute aussi l’euro. L’investissement frémit …  mais les entreprises conservent leurs marges en cash  Car la croissance  repose aussi sur la confiance, et pour le moment  ce gouvernement n’en bénéficie pas.   Pour la retrouver, il  pourrait utiliser  les  ressources  budgétaires apportées  par la croissance  pour favoriser le pouvoir d’achat. Politique de l’offre suivie d’une politique de la demande …  la  séquence  rêvée ? L’avenir le dira. Si la reprise encore très fragile se confirme,  le prochain président bénéficierait de marges retrouvées.

 

Christian Branthomme et Loïc Steffan

PS : vous trouverez ci-dessous l’évolution du taux de chômage de 2007 à 2015 au sens du BIT.
La lutte contre le chômage est le principal échec de Hollande mais il en fut de même pour Sarkozy

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