Albi : gestion financière

C’est la rentrée et je me suis replongé dans la comptabilité de ma ville et j’ai relu un article de la Dépêche sur le conseil municipal et le compte administratif. Et là surprise. Du coup, j’ai vite regardé celui de l’année d’avant. Un propos m’a semblé vraiment problématique :

« Les chiffres, on peut leur faire dire des choses totalement différentes » dixit notre maire.

Là je dois dire mon inquiétude. Non. C’est totalement faux.  On ne leur fait pas dire ce que l’on veut. La comptabilité est normée et il existe un certain nombre de ratios qui permettent de piloter et d’établir des comparaisons avec d’autres communes ou de la gestion de la commune dans le temps. C’est quelque chose de très rigoureux et de codifié qui permet d’objectiver des pratiques.
Les contribuables associés par exemple ont établi un guide d’analyse de la gestion municipale. On en trouve d’autres. Mais à chaque fois les mêmes ratios : évolution des dépenses, de la pression fiscale et des recettes, de l’endettement, de l’investissement, etc. Le tout avec une comparaison des communes de la strate. Un ratio seul ne signifie pas grand chose. Mais un ensemble de ratio oui. Il donne une image assez fidèle de la performance et de l’évolution des dépenses.  Et il me semble que j’en ai analysé quelques uns ! Vous pouvez les voir en suivant la catégorie « Albigeois »

Dire cela est franchement préoccupant pour ne pas dire plus. Cela signifie qu’on n’a pas la moindre idée de ce que signifie un pilotage et des indicateurs. Ces indicateurs ne sont pas une fin en soi. Ils doivent être au service d’une politique. Mais oser affirmer cela, c’est la garantie d’aller dans le mur à très court terme. C’est ce qui est en train de se passer sur Albi. Pour l’instant la situation n’est pas encore catastrophique mais la dégradation est rapide. Vraiment très rapide.

Je l’avais déjà relevé et je persiste et je signe. Il est hors de question que j’accorde ma confiance à des gens qui ont un rapport aussi problématique à la réalité chiffrée de notre monde. Cela va aussi pour les élus d’opposition qui contestent cette nécessité d’avoir une gestion rigoureuse. Je pense à l’élu communiste dont les interventions me laissent dubitatif. Et je trouve passablement édifiant que le seul qui relève soit l’élu RN. Lui est contre l’action municipale. Il a une vision restrictive des dépenses municipales (il faut moins d’impôts et moins de dépenses sans aucune vision de long terme dans les propos). Il a donc une vision étriquée de l’équilibre budgétaire. Mais que les autres tendances  ne réagissent pas et cela me pose un problème. C’est la réalité économique et financière d’une commune qui rend possible les choix politiques futurs. Et là il est assez facile de critiquer intelligemment.

– La dette par habitant augmente de 35 %   en un an (de 513 à 732 €; compte administratifs 2017 & 2018)
– La taxe d’habitation et la taxe foncière augmentent de 8 % (Les ménages ne sont pas des vaches à lait ! ). Je veux bien payer mais je veux des explications. Il n’y en a pas.
– Les dépenses d’équipement par habitant baissent de 11 %
– Entre le compte administratif de 2017 et celui de 2018 le ratio «encours de la dette/épargne brute» est passé de 3,8 ans à  5,2 ans.
– Les dépenses de fonctionnement ont augmenté de près de 6 % depuis le début du mandat sans que le service rendu à la population ne s’améliore significativement.

La capacité d’autofinancement se réduit.

L’adjoint au finance dit que «l’épargne brute de la ville reste élevée (7,3 millions d’euros) mais elle a baissé de 250 000 €. Même pas la peine d’être un expert. Il suffit de lire le journal et de comparer d’une année sur l’autre.

 

La collectivité pointe sans arrêt les baisses de dotation des l’État mais elle oublie de dire que le contexte financier hyper favorable lui a permis d’économiser 600 000 d’intérêt alors que son endettement augmente ! Il suffit de rependre le tableau du compte 66 (charge financière et son évolution de 2016 à 2019)

Or les taux sont maintenant très bas. Cela ne durera pas éternellement. Surtout si l’endettement se fait autour de produits indexés. Il faut savoir que les produits financiers sont classés selon un tableau de risque (circulaire du 25 juin 2010 pour les collectivités territoriales. ). La ville d’Albi a une prise de risque qu’on peut qualifier de raisonnable. Les effets de levier, de spread, de change ou de pente sont plutôt mesurés. Mais on voit clairement que la limite est atteinte. On ne pourra pas faire baisser encore la charge financière surtout si l’endettement remonte (page 130 et suivantes des budgets primitifs 2018 et 2019).

Jusqu’à présent je ne m’étais pas attardé sur la fonctionnement financier de la ville car les ratios semblaient plutôt corrects (l’encours de la dette totale / recettes de fonctionnement est à 96 % quand la moyenne de la strate est à 83 %).  L’encours de la dette est un peu trop important par rapport aux recettes mais ce n’est pas non plus catastrophique. Je considérais que la gestion courante était plus préoccupante. Mais je suis obligé de signaler ce point important. D’autant plus que ces ratios pèseront sur l’équipe municipale qui succéderont à l’équipe actuelle. Vous avez compris qu’avec la désinvolture dont ils font preuve sur ces éléments de gestion, je souhaite que cela soit le cas et qu’ils perdent.

Et de finir avec une petite citation de Tocqueville trouvée sur le net.

« C’est dans la commune que réside la force d’un peuple libre. Les institutions communales sont à la liberté ce que les écoles primaires sont à la science: elles la mettent à la portée du peuple. Sans institutions communales une nation peut se donner un gouvernement libre, mais elle n’a pas l’esprit de liberté… Ôtez la force et l’indépendance de la commune, vous n’y trouverez jamais que des administrés et point de citoyens »